Bien des années après [Neutre, privé Shiloïna]

Shiloïna marchait doucement dans une somptueuse forêt. Tout en tenant Chi par le licol, ayant voulu fouler les sols de son enfance, elle humait les odeurs familières et regardait les paysages. Elle se souvenait de tout, presque tout. Chaque chose lui rappelait un souvenir : tantôt tristes, tantôt joyeux ... Elle se sentait presque mieux ici qu'a Emeraude. L'espace d'un instant, la jolie elfe aujourd'hui Chevalier redevint la petite fille qu'elle était autrefois. Elle se souvenait de la gamine toujours collée à sa mère, de ses longues virées dans les forêts avec pour seule compagnie les oiseaux, ses longs moments de solitudes avec la sensation d'être observée ...

"Encore aujourd'hui, j'ai l'impression d'être observée !" S'amusa t'elle toute seule.

Elessar suivit l'Elfe un moment depuis les arbres, se déplaçant habilement et sans bruit. Cependant, quand elle parla à voix haute, il s'immobilisa. L'avait-elle repéré? Si on en croyait les rumeurs sur les pouvoirs des Chevaliers, c'était bien possible. Aussi, il jugea inutile de se cacher plus longtemps. Il se laissa souplement tomber à terre, et atterrit devant elle.
"Toi ici?"
Il la regarda froidement.
"Il me semblait que les Chevaliers vivaient à Emeraude. Qu'est-ce que tu fiches ici alors?"

Shiloïna fut surprise de voir un elfe lui "tomber" devant. Lorsqu'il se releva et parla, elle l'examina. Ces longs cheveux blancs, ces traits fins, ce menton élancé ... la jolie elfe le reconnaissait. Elle l'avait déjà vu, ça c'était sur. Mais étrangement, elle ne se souvenait pas de son nom. Plutôt de la manière dont il se comportait avec elle, petit ... Soudain, Shiloïna s'angoissa. Elle n'était pas censée avoir de contacts avec qui que ce soit de son pays natal.

*Je le connais, je le connais, mince !*

Elle reprit le pas sur son angoisse, et se dit qu'il fallait peut-être mieux faire semblant de ne pas le reconnaître. Elle répondit alors, sur un ton qu'elle aurai voulu moins hésitant :

"Bonjour ... effectivement les Chevaliers vivent à Emeraude, mais je suis actuellement en mission au royaume des Elfes, monsieur."

"Ca te va bien de me snober..."
Elessar la détailla des pieds à la tête. Il eut un rictus.
"Evidemment, maintenant que tu as ta nouvelle vie de prestige... Elessar, ça ne te rappelle rien peut-être?"
Il tourna un peu autour d'elle comme un fauve.

"Ah euh ... si, désolé. Je ne t'avais pas reconnu."

Un rictus d'angoisse mêlé à une petite pointe de colère se forma sur le visage de Shiloïna. Elle n'avait pas le droit de prendre contact avec des gens qu'elle avait côtoyé autrefois. Mais elle savait aussi qu'elle n'allait pas tenir longtemps à faire semblant. De plus, son ancien pays lui manquait, et tous les gens qui y vivaient aussi. Même Elessar, si énervant ... ce dernier tournait autour d'elle, comme si il repérait une faille, un défaut. Comme un ennemi. Mais un ennemi de guerre. Et puis, Elessar était-il vraiment un ennemi ? Shiloïna ne s'en souvenait pas.

Elessar eut un petit rire.
"C'est ça oui... Maintenant que tu as ta position aisée sans bouger le petit doigt, on oublie tout."
Il s'arrêta face à elle.
"Je ne vois pas ce que tu fiches ici. On n'a pas besoin de toi."

A chaque parole d'Elessar imbibées de venin, la colère de Shiloïna prenait le pas sur son angoisse. Quand il insinua qu'ici, il n'avait pas besoin d'elle, l'elfe n'en put plus et explosa littéralement :

"ELESSAR !"

Par pure sécurité, Shiloïna sortit de sa protection un petit poignard acheté pour une broutille quelques jours plus tôt, et continua :

"TU NE VEUX PAS TE TAIRE ? Tu ne sais RIEN, RIEN, de ce qui se passe là-bas. J'ai travaillé extrêmement dur pour en arriver là ou je suis aujourd'hui. Et je m'en FICHE que vous n'ayez pas besoin de moi ! Ce pays et ses habitants me manque, tu ne vas pas m'empêcher de le revoir, si ?!"

Shiloïna se calma progressivement, et reprit :

"Et je n'ai rien oublié. Je chérirais toujours mes souvenirs de mon pays natal, et je garderai mon ancienne patrie gravée dans mon cœur pour toujours."

"Travailler extrêmement dur?"
Elessar ricana.
"Qu'est-ce que tu sais du véritable entraînement? De ce que c'est que de se tuer à la tâche?"
L'Elfe avait vécu ça. Il avait dû travailler dur pour devenir ce qu'il était, parfois dans la boue, sous la pluie, seul.
"C'est évident que c'est difficile d'être nourrie, logée, dans le luxe et être certaine de vivre dans le confort."
Pour sa part, il avait souvent souffert du froid et de la faim.

"Tu cherches à me déstabiliser ? J'avoue que je suis nourrie, logée, et je vis dans le confort."

Shiloïna se demandait pourquoi Elessar l'attaquait verbalement comme cela. Il cherchait peut-être à prouver sa valeur, nettoyer sa dignité ... mais pourquoi ? L'elfe se demandait ce qu'elle avait pu faire pour souiller son honneur. Elle se souvenait qu'il avait été énervant. Sans raison. Enfin ... du moins, c'est que Shiloïna pensait.

"Mais je sais très bien ce qu'est se tuer à la tâche. Tous les Elèves, les Ecuyers, et je parle en leurs noms, s'entrainent dur pour réaliser leurs buts respectifs. Et j'ai fait partie de ceux-là ..."
L'elfe marqua une pause.
"Je ne comprends pas ce que tu cherches à me prouver. Je ne doutes pas que tu t'es entrainé avec vigueur toi aussi."

"Vous vous croyez supérieurs avec vos pouvoirs... Ca m'énerve au plus haut point."
Elessar avait une furieuse envie de lui sauter à la gorge. Il examina les vêtements, l'équipement et la monture de Shiloïna.
"Franchement, vous êtes traités comme des seigneurs. Alors qu'Enkidiev croit pouvoir se reposer sur une poignée de parvenus... Ils se fourvoient tous."

"Elessar ... je t'en prie. Ne commence pas à insinuer des choses alors que tu n'as que des préjugés sur les Chevaliers d'Emeraude."

Le calme était revenu chez Shiloïna. Maintenant, elle essayait de calmer, ou du moins de raisonner Elessar. Et, elle avait remarqué qu'il n'avait pas répondu à ses deux questions. Peut-être avait-elle visé juste ...

"Nous ne nous croyons pas supérieur avec nos pouvoirs. Beaucoup d'ennemis dénués de magie nous font de sérieux dégâts. Et, je t'apprends que ce ne sont pas les pouvoirs qui font la force de l'Ordre, mais la fraternité entre chacun de ses membres. Après, si tu considères comme des parvenus, si ça te chante, tu peux le faire. Mais nous sommes chargés d'assurer la protection d'Enkidiev avec les soldats, tu le sais bien."

*Il n'a pas r&pondu, tiens ...*

"Je te pose une deuxième fois la question. Qu'est ce que tu cherches à me prouver ? Ta valeur ? Mais je ne doutes pas que tu es capable de m'égorger si tu en as envie. Et ceci n'est pas un défi."

Shiloïna posa la main sur son épée. Elle ne voulait pas ça, mais en cas de force majeure, elle se battrait avec Elessar.

"Ma valeur, tout le monde peut la connaître."
C'était vraiment son but. Etre accepté pour son mérite qu'il aurait durement gagné. Peut-être aussi qu'on l'estime enfin, et non plus qu'il soit constamment dans l'ombre des autres.
"Des relations de fraternité... Tu parles. Il y a ceux qui commandent, et ceux qui obéissent. Point. C'est partout comme ça."
Il n'aimait pas qu'on s'aventure sur son terrain. Aussi, il ripostait.

"Je n'ai jamais contredit ta valeur, Elessar. Tu cherches à me prouver quoi ?"

Shiloïna essayait de décrypter les sentiments d'Elessar. Il cherchait à lui montrer quelque chose. Ou à la blesser. Mais l'elfe penchait pour la première réponse. Au début, quand ils étaient vraiment petits tout deux, il avait été gentil. Il ne cherchait pas à lui lancer des pics à longueur de journée ... pourquoi le changement avait été si radical ?

"Arrête de parler sur que tu ne sais pas ... nous prenons nos décisions en accord avec notre chef, premièrement. Et il pourrait bien y avoir ceux qui commandent et ceux qui obéissent, il y a quand même une certaine fraternité entre nous. Tous les Chevalier de la même génération se connaissent depuis leur plus jeune âge ..."

"Et ça change quoi? Un gueux en reste un, de même qu'un noble ou un héritier royal restera au dessus du lot. Chevalier ou pas, ça ne change rien."
Elessar détailla une fois de plus la femme Chevalier et tout ce qu'elle possédait. Il eut un rictus.
"Tu me dégoûtes..."
Il grommela quelque chose en elfique. Il tendit la main vers la tête de la jument, puis la laissa retomber, avant de reculer de quelques pas avec un air mécontent.

"Tu veux partir sur ce terrain là ? Tu veux vraiment qu'on s'affronte ?"

Shiloïna n'avait plus envie de calmer le jeu. L'euphorie d'un combat la gagnait et se mélangeait avec son énervement. D'un geste silencieux, elle dégaina son épée et se mit en garde. Elle jeta un coup d'œil à Elessar, puis fit reculer sa jument.

"Je te dégoûtes ? Tu n'aurai pas dû venir à ma rencontre alors ... il faudrait savoir ce que tu veux."

Cette fois-ci, la jolie elfe se lançait aussi dans le domaine de la provocation. Elle ne savait pas comment tout cela allait se terminer, mais elle soignerait les blessures d'Elessar à la fin, s'il y en avait. Shiloïna provoquait l'elfe en duel, mais au moins, elle allait lui montrer qu'elle n'était pas rancunière.

"Il me semblait avoir entendu dire qu'un Chevalier ne devait pas céder à la provocation..."
Elessar se délecta de l'air surpris de son ancienne camarade. Il avait lu cela dans ses pensées, et il en avait entendu parler. Elle savait qu'elle était en tort, et aussi qu'elle allait se faire gourmander par leur chef. Un sourire étira les lèvres de l'Elfe.
"Alors, qu'est-ce que tu disais?"

"Il est aussi dit qu'un Chevalier ne doit pas avoir de contacts avec des gens qu'il connaissait autrefois."

Shiloïna était surprise par la réaction d'Elessar. Elle ne le comprenait pas, elle ne savait pas ce qu'il voulait ... pourtant il avait réussi à la destabliser. Il n'était pas qu'un soldat avec beaucoup de talent. Il était aussi maitre dans l'art de ruser... un adversaire redoutable. Elle ne tenait pas vraiment à l'affronter ...

"Je n'ai pas envie de me battre avec toi, c'est clair ? Tu veux obtenir quoi de moi ?"

"Que tu ne remettes plus les pieds ici."
Elessar ne résistait pas à l'envie de recracher du venin.
"De toute évidence, tu n'as doublement rien à faire ici. Nous n'avons pas besoin de toi, et tu ne dois pas venir sans raison."
Il ricana.
"De toute façon, tu n'as manqué à personne. On était bien mieux sans toi."

"Je suis venue ici dans le cadre d'une mission, Elessar. Tu sembles l'oublier. Tu n'a qu'a aller contester les ordres du chef des Chevaliers, si ça te chante."

Shiloïna avait reprit difficilement son calme et s'efforçait de le garder. Elle cherchait toujours, vainement, la raison qui poussait Elessar à la provoquer comme tel.

"Qu'est ce que j'ai bien pu faire pour attiser ta colère à ce point ? J'ai mis les pieds ici ? Alors pourquoi, pourquoi te comportes-tu comme ça depuis que j'ai 4 ans ?"

Elle le regardait avec un regard de reproches, d'incompréhension mêlé à une pointe d'inquiétude.

"Parce que tu n'es pas la seule à avoir ce traitement de faveur à cause d'une chance. Tes pouvoirs. Rien qu'un coup de chance, mais après ça, plus jamais on ne te traite pareil."
Elessar riva son regard glacé sur elle.
"Je te hais. Tout simplement. Ne t'avise pas de trop traîner ici. Maintenant qu'on pouvait enfin respirer sans toi."
Il s'étonnait presque lui-même de la virulence de ses paroles.

"Tu me détestes ... parce que ... j'ai des pouvoirs ?"

Shiloïna en resta bouche bée. Elessar la haïssait vraiment, du plus profond de son cœur, à cause de ses pouvoirs ? Seulement ? Il désirait sans doute en avoir ... pourquoi faire ? Peut-être pour devenir Chevalier. Peut-être qu'il la détestait parce qu'elle lui avait piqué le poste sous le nez ... mais oui ... tout s'expliquait. Maintenant, chaque chose avait une réponse. Et Shiloïna avait les cartes en main.

"Non ... parce que je suis Chevalier d'Emeraude. Tu voulais le devenir ? Non ? J'ai visé faux ? Je ne crois pas ..."

"Moi? Devenir Chevalier? Tu rêves ma pauvre..."
Elessar se hérissa encore plus, si c'était possible.
"Tu me donnes envie de vomir. Toi, eux... Rien que des chiens bouffis d'orgueil aux ordres d'un monarque. Alors que moi, je goûte la vraie liberté."
Il commençait à en avoir assez de tourner en rond de la sorte.

"Mais si tu goûtes la vraie liberté, c'est très bien pour toi ! Je ne suis pas venue te le reprocher que je sache ! Tu penses que nous sommes des pauvres feignants qui ont tout ce qu'ils désirent ? Grand bien te fasse ! Tu me hais ? Mais va t-en, alors ! Laisse moi ressasser mes souvenirs en paix !"

Shiloïna commençait elle aussi à en avoir sérieusement marre de tourner en rond. Mais, incapable de partir, elle continuait à se battre oralement avec Elessar.

"Là, tu ne fais que m'énerver. C'est ton but, hein ? Tu veux vraiment que je te haïsse comme tu me hais ?"

Elessar poussa un soupir exaspéré. Il saisit une flèche dans son carquois, ainsi que son arc, et pointa son arme droit entre les deux yeux de la femme Chevalier.
"Déguerpis. Tu n'as plus rien à faire ici."
Il lança un coup d'oeil à la jument. Avec ses pouvoirs, il pouvait l'utiliser.
"C'est mon dernier avertissement."