But enfin atteint [Neutre, privé Soren]

Assise derrière Soren, Juliette tenait ouvert dans sa main la petite boîte que lui avait confier sa grand-mère. Ils arrivaient près de la forêt interdite. Les environs étaient plutôt lugubre surtout qu'il faisait nuit.

Soren se méfiait un peu. Il était devenu taciturne depuis un moment. Depuis qu'il voyageait avec Juliette, ce qui allait bientôt faire un mois et demi, son amour s'était transformé en un véritable brasier. Et pourtant, elle courrait après un homme qui n'éprouvait rien pour elle, et dont elle devait changer les sentiments. Il secoua la tête pour chasser ses noires pensées, et se concentra sur le chemin, et ce qui les entourait. C'était peu rassurant, et on ne pouvait pas savoir ce qui pouvait surgir de la pénombre.

Juliette se serra un peu plus contre Soren. Elle avait un peu peur. Les bois n'avait rien de rassurant. Aussi elle crut à plusieurs reprises voir une ombres au loin. Elle frissonna et mit son capuchon. Ne manquait plus qu'une araignée ou une autre bestiole lui tombe dans les cheveux.
"J'espère qu'on sera bientôt arrivés..."

"Ca, c'est ton engin qui nous le dira."
Soren hésita. Puis, il tendit une main devant lui, paume tournée vers le ciel, et une flamme aussi bleue que ses yeux apparut à son creux, à quelques millimètres de sa peau. Une douce lumière bleutée les entourait à présent.
"C'est mieux?"
Il avait nettement senti sa peur. S'il s'était écouté, il l'aurait prise dans ses bras, tout contre lui.

Juliette acquiesça. La lumière l'apaisait. Cependant il y avait toujours cette ombre qui rôdait autour d'eux. Elle se blittit un peu plus contre son ami. Elle n'arrêtait pas de regarder autour de toi. Lorqu'elle regarda l'aiguille qui lui indiquait le chemin à prendre, elle fronça les sourcils. Celle-ci s'affolait et tournait dans tous les sens.
"Soren..."
Elle n'eut pas le temps de continuer qu'elle sentit quelqu'un derrière elle, collé tout contre elle. Juliette se figea, pétrifié. Le souffle de l'intrus dans sa nuque la terrorisait.
"Soren... Il y a quelque chose..."

Soren réagit au quart de tour. Il déploya un bouclier protecteur autour d'eux, et l'inconnu fut projeté quelques mètres plus loin sous la violence du choc. Le jeune homme sauta à bas de sa monture, son épée à la main, dans l'autre sa flamme bleue qu'il fit brutalement grandir. Tout fut puissamment illuminé sur plusieurs mètres. Un homme était allongé au pied d'un arbre, un peu groggy, et se relevait. Il avait des cheveux roux et des yeux d'un bleu très vif, pratiquement turquoise. Le Maître Magicien vit en lui une version masculine de celle qu'il aimait. Probablement son père. Cependant, il resta sur ses gardes.

Juliette se tourna tout en restant sur la monture de Soren. Elle regarda l'inconnu qui éclairé par la flamme du jeune homme, fut parfaitement descriptible. Juliette sentit son coeur battre de plus en plus fort lorsqu'elle reconnu en l'homme son père. Pour être sûre, elle regarda l'aiguille qui pointait sur l'homme.
"Papa..."
Tandis que Juliette mit pied à terre pour empêcher Soren de faire quoi que se soit, son père commençait à reprendre complètement ses esprits. Il se passa une main sur le front.
"Et ben dites donc, on peut dire que vous n'y êtes pas aller de main morte."

Soren haussa un sourcil, toujours tendu.
"On n'est jamais trop prudents."
Il observa l'homme se redresser du coin de l'oeil. Quand il sentit la main de Juliette se poser sur son bras, il fit réintégrer son fourreau à son arme.
"Bien..."
Il alla prendre les rênes de Naesala, et resta en retrait pour observer tout ça.

Juliette s'approcha de son père un peu sur la défensive.
"Papa? C'est toi?"
En face d'elle, il la détailla rapidement. Un sourire bienveillant se dessina sur ses lèvres. Il était plus grand qu'elle avec de long cheveux rouge nattées sur le côté. Et ses yeux, étaient identiques à ceux de la jeune femme.
"Enfin tu es venue..."
Il tendit la main pour la poser sur la joue de la jeune femme. Mais il stoppa son geste après avoir l'avoir rapidement sonder. Il eut une mine exaspéré.
"... Parce que tu as un problème..."
Il soupira et regarda au ciel. Il se passa une main sur les yeux et murmura:
"C'est pas vrai... dix sept ans qu'on ne sait pas vu et quand enfin je la retrouve c'est parce qu'elle a un problème."

Soren retint une remarque. Pour avoir lu en Juliette à de nombreuses reprises, il savait ce qu'il s'était produit dans sa vie. Il regarda ailleurs, d'un air absent, et envoya la flamme bleue briller à quelques mètres au-dessus de leurs tête. Il avisa soudainement le sac de toile dans lequel la sphère était contenue, posé en travers de la selle. C'était si simple de le faire tomber, de le briser, en faisant croire à un accident... Il secoua la tête. Pour le bien de Juliette, il n'en avait pas le droit. Et ce qu'il voulait avant tout, c'était qu'elle soit heureuse. Même s'il devait lui-même changer cet amour pour que l'homme qu'elle avait choisi l'aime, ce qui était parfaitement en son pouvoir.

Juliette fronça un peu les sourcils.
"Comment ça dix ans? Tu es partit avant que je vienne au..."
Son père la coupa en secouant la tête.
"C'est moi qui t'ai fait venir au monde."
Voyant que sa fille était sans voix, il décida de lui expliquer.
"Je suis partit quand tu avait un an. Tu étais sans doute trop jeune jeune pour te souvenir de moi. J'ai jamais perdu le contact. Tu connais Morgon? Il te surveille depuis que tu es petite et m'envoya régulièrement des lettres. C'est comme ça que j'ai su que tu viendrais."
Il regarda Soren d'un bref coup d'oeil.
"Mais je ne pensais pas que accepterais que quelqu'un t'accompagne dans ton voyage, vu ce que tu transportes..."

Cette fois, Soren ne put s'empêcher de ricaner.
"Bien sûr, mieux valait la laisser traverser le quart du continent toute seule... A l'heure actuelle, elle serait déjà violée et laissée battue à mort au fond d'un fossé par le premier bandit qu'elle aurait croisé. Quant à l'amour qu'elle transporte, il aurait été brisé depuis longtemps."
Il se tut, et détourna résolument le regard. Il venait de cracher son venin, se sentant de plus en plus irritable. Pour qui ce simple Magicien se prenait-il?
*Du calme... Tu es peut-être Maître Magicien, mais mieux vaut éviter de trop l'afficher...*
Il s'érigea des barrières mentales, afin d'être certain que le père de Juliette ne viendrait pas fouiller son esprit ou son coeur, même s'il l'aurait remarqué.

Juliette sentit une soudaine tension s'installer entre les deux hommes. Elle préféra passer le sujet de son enfance et en venir au sujet.
"Papa, est-ce que tu as la fin de ce sortilège?"
Elle prit le parchemin et le lui donna. Son père soupira et lit rapidement son contenu.
"Oui, je l'ai."
Il regarda sa fille.
"Tu es sûre que tu veux terminer ce sort?"

Soren s'appuya à la selle de Naesala.
"Ca ne suffira pas. Son coeur appartient à une autre. Malgré ce sort, il sera toujours enclin à combattre cet amour imposé, de façon inconsciente."
Il croisa le regard du père.
"Sortilège ou pas, il finira par en avoir raison. Et il saura qu'il a été ensorcelé. Ce genre de sort est plutôt sévèrement puni. Cependant, il y a une ou deux personnes capables d'en faire un sort parfait, de sorte que jamais il ne soit brisé, et qui y ajoute fidélité et passion éternelles."

Juliette regarda son père. Pourquoi cela ne pouvait pas être si simple?
"Tu peux le faire papa?"
Ce dernier secoua la tête.
"Non, et même si j'aurais pu je ne l'aurais pas fait. Ce que tu fais est..."
"Et toi Soren?"
Elle ne voulait pas entendre ce que son père avait à lui reprocher. Elle ne voulait pas se dire que ce qu'elle faisait était mal. Elle avait toujours été là pour les autres. Avait vu les autres sourire avec leur âme soeur. Et elle s'était contenté de tenir la chandelle. C'était à chaque fois pareil.
"Et toi Soren? Tu en est capable?"
Elle le regardait avec un regard remplit d'espoir.

Soren resta muet. Il l'observait. Naesala gratta du sabot, nerveux. Le regard du Maître Magicien croisa celui de Juliette. Il pouvait refuser. Dire qu'il ne pouvait rien faire. Mais cela la rendrait forcément triste. Et il ne voulait pas qu'elle souffre. Le coeur en miettes, il acquiesça lentement en fermant les yeux.
"Oui. Je peux le faire."
Il savait par avance qu'il allait la perdre.

Juliette retrouva le sourire. Elle se dépêcha de rejoindre Soren sans écouter les remontrances de son père.
"Pourquoi tu ne m'as rien dit avant?"
Elle lui prit les mains.
"Je t'avais déjà pourtant demandé si tu avait le pouvoir de m'aider et tu m'as dit non. Pourquoi?"
"Juliette tu m'écoutes oui?"

Soren évita soigneusement son regard.
*Parce que je t'aime...*
C'est ce qu'il avait envie de répondre. Il se contenta de lui répondre avec la seconde vérité.
"Parce que c'est immoral."
Il leva la tête vers le père de Juliette, qui espérait pouvoir dire quelque chose à sa fille.

Juliette fronça les sourcils.
"Mais..."
"Juliette, il a raison. Tu ne peux pas forcer quelqu'un a t'aimer. Tu ne le connais même pas. Tu es prête à briser le coeur d'une personne pour te faire aimer par lui? C'est immorale, égoïste et malsain."
Juliette resta face à Soren. Elle avait écouté son père qui lui ramena à une vérité odieuse. IL avait raison, elle savait qu'il avait raison. Elle se retourna vers lui les larmes aux yeux.
"Mais je l'ai..."
"Tu en es sûre? Si tu l'aimes, ne voudrais-tu pas qu'il soit heureux? Penses-tu vraiment qu'il sera heureux si tu le force à t'aimer? Pourras-tu vivre avec un homme que tu as manipulé pour arriver à tes fins?"

Quand Juliette fondit en larmes, Soren ne réfléchit pas, et la prit contre lui, dans ses bras. En croisant le regard de l'homme face à lui, il sut que ce dernier avait compris ce qu'il ressentait, sans avoir besoin de fouiller son coeur. Mais la vérité était là. Il avait raison. Le Maître Magicien aussi. Ce sort était contraire à toute morale, et allait presque dans le sens inverse de l'amour. C'était purement égoïste que d'avoir recours à cette méthode. Cependant, si cela pouvait la rendre heureuse, le jeune homme aiderait Juliette à mener son plan à bien.
"Allez, du calme..."

Juliette se blottit contre Soren, enfouissant son visage dans ses mains. Elle avait juste envie de rentrer voir sa grand-mère. Peut être la seule personne qui était toujours de son côté et qui l'aidait. Si seulement elle n'était pas aller à cette fête.
"Juliette..." tenta son père.
"Je veux rentrer..."

Soren hésita un instant avant de lui passer la main dans les cheveux avec douceur, pour l'apaiser.
"Je pense que ça vaut mieux. Je te raccompagne."
Il se sentait la coeur réchauffé de l'avoir serrée ainsi contre lui. Il se rendit compte à ce moment là de la puissance de son amour pour elle. Quoi qu'elle décide à présent, qu'il doive en souffrir ou non, il respecterait ses choix, et la soutiendrait.

Juliette regarda du coin de l'oeil son père. Elle aurait voulu trouvé du soutient de sa part, mais finalement non. Autant repartir tout de suite pour ne plus revenir. Juliette adressa encore quelques mots à son père puis se mit en selle derrière Soren qu'elle serra contre elle avant qu'ils ne reprennent la route.