Jalousie [Neutre, privé Juliette]

C'était le milieu de l'automne. Juliette allait entamer son cinquième mois de grossesse d'ici quelques jours, et il était désormais impossible de cacher son état à quiconque. Son ventre était déjà bien rond, et cela allait encore s'accentuer. Soren allait bientôt tenter de savoir si ce serait un garçon ou une fille. En attendant, il était forcé de laisser sa compagne seule assez fréquemment, pour gagner de quoi subvenir à leurs besoins. Il en profitait aussi pour vérifier qu'ils n'étaient pas en danger.
C'était sous la pluie battante et le vent qui charriait des feuilles mortes que le jeune homme rentra ce soir là. La nuit était déjà tombée depuis plusieurs heures. Il mena Naesala à l'écurie, le débarrassa de son harnachement, avant de le panser, puis de quitter la grange pour rejoindre leur nid douillet.

Juliette était assise devant le feu dans le séjour. Lorsque Soren n'était pas à la maison, elle se faisait du soucis. Elle avait peur que les Immortels lui fassent du mal. Ou que Soren, qui ne touchait presque plus Juliette à cause de sa grossesse, aille voir ailleurs. C'est sans doute ce qui l'inquiétait le plus. Elle avait le pendentif qu'il lui avait donné dans le poing. Il était bien souvent bleu mais cela ne disait pas ce que Soren faisait quand il n'était pas là.

Arrivé dans la maison, Soren rejeta sa capuche en arrière, et secoua un peu la tête pour se défaire des gouttes d'eau qui s'étaient infiltrées dans ses cheveux. Il laissa ses bottes à l'entrée pour ne rien salir, et pendit sa cape détrempée à un crochet au mur.
"Je suis rentré mon amour."
Frissonnant un peu sous le coup du froid et de l'humidité, il se rendit au séjour, où elle attendait, assise devant le feu. A l'air qu'elle avait, le jeune homme aurait dû se douter que quelque chose clochait.

Juliette avait toujours le regard plongé dans le feu. Elle caressait son ventre avec douceur et tendresse espérant sentir les premiers coups du bébé. Lorsqu'il l'embrassa, elle ne répondit pas à son baiser. Elle était trop enfermée dans ses pensées et inquiète. Si ça se trouve derrière son sourire il avait envie de repartir. Après tout elle était enceinte et donc moins attractive qu'avant.
"Je vois que tu vas bien. Alors, qu'as-tu fais durant ton absence?"

Soren fronça un sourcil, un peu soupçonneux. Elle n'avait pas répondu à son baiser, ce qui n'était pas habituel. Cependant, il se redressa et prit le tisonnier pour exciter les flammes. Il hésitait sur la réponse à lui donner. De plus en plus inquiet pour Juliette et leur bébé à naître, il avait récemment pris de gros risques pour espionner les Immortels, et être certain qu'ils ne soupçonnaient rien sur leur localisation. Aussi, il s'accroupit pour tisonner le feu, décidant de rester évasif.
"Rien de spécial. Comme toujours, j'ai vagabondé, et j'ai gagné de l'argent."

Juliette n'était pas satisfaite de sa réponse bien trop évasive à son goût. Elle le fixa sans rien dire. Puis durant un long moment de silence, elle se mordit la lèvre.
"Comment as-tu gagné cet argent?"
Lorsqu'il se tourna vers elle, elle détourna immédiatement le regard.

Soren l'observa. Elle évitait soigneusement son regard.
"Comme d'habitude. Des sorts, des soins..."
Il fronça les sourcils. Elle ne se comportait pas normalement. Les questions qu'il voulait lui poser à la base moururent sur ses lèvres.
"Après tout, qu'est-ce que ça peut faire?"
Il se tourna légèrement vers elle.
"Ca ne va pas?"

Juliette commençait à stresser. Il ne lui disait pas tout, elle le sentait. Elle commença à se ronger les ongles nerveusement. Dehors il faisait froid et la pluie frappait violemment les carreaux qu'elle s'était attarder à nettoyer aujourd'hui.
"Et..."
Elle hésita, ayant peur de sa réponse.
"Tu me caches quelque chose."
Elle le regarda dans le blanc des yeux, avec les yeux brillant de larmes.
"Tu es allez voir d'autres femmes?"

Soren soupira. Elle l'agaçait à constamment lui poser cette question. Cela ne se voyait-il donc pas qu'il l'aimait? Qu'il ne désirait aucune autre femme à part elle?
"Juliette, pour l'amour du ciel, cesse avec cette question!"
Par inattention, une flamme vint lécher sa main, et il se redressa d'un bond en jurant et en se tenant la main.
"Et si c'était le cas?"
Il avait lancé ça, irrité, sans réfléchir, sa main brûlée le lançant. Il commença immédiatement à se régénérer.

Juliette crut rêver quand il s'énerva. Elle crispa les poings sur les bras du fauteuil et se redressa. Elle avait la gorge qui se serrait de plus en plus et les larmes qui n'allait pas tarder à couler.
"Tu as donc vu d'autres femmes?!"
Sa pire crainte semblait se réaliser au moment le moins bien choisit: enceinte de cinq mois et à un moment où les hormones travaillent beaucoup en plus.
"C'est parce que je suis ronde et que je ne te donne plus envie de me toucher alors tu préfères voir ailleurs?!"

Soren ferma lentement les yeux. Il aurait dû réfléchir avant de lancer cette réponse sous un coup de sang.
"Je pensais que tu me connaissais mieux que ça."
Il la regarda. Naturellement, il n'avait même pas posé son regard sur une autre femme qu'elle. Préférant éviter une dispute stérile, il choisit la fuite. Il se détourna.
"Rassieds-toi et calme-toi, c'est mauvais pour le bébé."

Juliette ne put laisser échapper les quelques larmes. Aussi au lieu de s'asseoir et de chercher plus d'explications, elle alla dans leur chambre à couché où elle s'y enferma à clé. Puis elle défit le lit et se réfugia sous les couvertures. Elle aimait Soren plus que tout, et elle savait qu'il l'aimait. Mais de ne pas savoir ce qu'il fait durant ses absences la rendait folle. Elle savait qu'il était sérieux mais il aurait suffit d'une seule fois. après tout c'était un homme et il ne la touchait même plus... Elle ferma les yeux en se plaquant les mains sur le visage.

Soren resta un moment seul à fixer les flammes. Il ne pouvait pas lui dire qu'il avait été jusque dans le monde des morts pour épier les Immortels. Elle en serait morte d'inquiétude. Néanmoins, la laisser dans cet état n'était pas la meilleure chose à faire. Aussi, il se leva, monta les escaliers, et ouvrit sans problème le verrou de la porte. Elle était recroquevillée dans leur lit. Il l'y rejoignit et s'y assit.
"Tu penses vraiment que je serai capable de te tromper?"
Qu'elle puisse penser ça le peinait. Il ne ferait jamais une chose pareille.

Juliette resta dos à lui recroquevillée sur elle même et les mains posées sur son ventre. Elle garda le silence. Elle avait la gorge trop nouée pour parler. Après de longue minutes elle décida de se retourner vers Soren, puis se ravisa et garda position initiale finalement.
"Je ne sais pas... Je ne sais pas ce que tu fais durant tes absences, et je te crois toujours sur parole."

Soren soupira.
"C'est toujours la même chose. Rien de palpitant, juste des soins prodiguer et des sorts à effectuer. Vraiment rien d'autre."
Il la força à le regarder.
"Ca me fait mal que tu penses ça. Je sais bien que je ne te touche plus depuis un moment, mais c'est pour ne pas te blesser, ni faire de mal au bébé. Vous êtes ce qui compte le plus pour moi."

Juliette regarda Soren en silence un instant. Elle sentit les larmes lui monter de nouveau aux yeux. Elle se rendit compte qu'elle avait agit de façon stupide et qu'elle devait être heureuse plutôt que de chercher des problèmes, car elle avait l'homme le plus tendre, attentionné et aimant à ses côtés. Elle se redressa et passa ses bras autour du cou du Maître Magicien.
"Soren, je suis désolée..."
Elle enfouit son visage dans la chemise du jeune homme et respira son odeur.
"C'est juste que..."

"Je comprends que tu t'inquiètes. Mais fais-moi confiance."
Soren la câlina doucement.
"Ca te dit de savoir le sexe du bébé? Avec tout ça, il serait temps qu'on lui trouve un prénom."
Il essaya de faire oublier la gêne d'il y a quelques instants. La jalousie de Juliette mettait parfois sa patience et la stabilité de leur couple à rude épreuve.

Juliette serra les poings sur la chemise à Soren. Elle acquiesça, le visage toujours calé sous dans sa chemise. Elle respira l'odeur du Maître Magicien et se blottit un peu plus contre lui, aimant qu'il la câline.

Soren la sonda avec patience et précision. Il poussa la recherche très loin. Il sentit que le bébé allait bien, suivit même les battements de son coeur. Cela le fit sourire, soulagé que tout aille aussi bien.
"Si cela peut te rassurer, notre petite fille va bien."
Il la serra doucement contre lui.
"Je crois qu'elle dort."

Juliette esquissa un petit sourire et posa une main sur son ventre pour le caresser. Elle frémit légèrement lorsque Soren la serra un peu plus contre lui.
"Une petite fille..."
Elle se mordit la lèvre.
"Encore quatre mois et elle sera là. C'est trop long. Je vais pas réussir à patienter tellement longtemps."

Soren posa ses lèvres contre la tête de sa compagne.
"Le plus long est déjà passé. Ca ira tout seul."
Il posa sa main sur celle qu'elle avait sur son ventre.
"Je vais essayer d'être plus présent dans les derniers mois. Mais il faut bien avoir de quoi vivre."
Il songea à ce qu'il avait également ramené d'un voyage. Une bague qui était bien au chaud dans une petite bourse au fond de sa poche...
"Tu me promets que tu cesseras de penser de telles âneries?"
Il pensait naturellement au fait qu'elle croie qu'il la trompait. Suite à la crise précédente, ce n'était peut-être pas le bon moment pour lui demander sa main. Quoique...

Juliette acquiesça en fermant les yeux.
"C'est promit."
Elle se laissa aller contre Soren. La jeune femme était bien fatiguée se soir là. Elle bailla avant de se passer une main devant les yeux.
"Je suis fatiguée. Je crois qu'il faut que j'aille dormir."

"Sans doute."
Soren hésita, puis finit par se décider.
"Avant ça, j'aurai quelque chose d'important à te demander."
Il prit la bague en argent, et la lui présenta.
"Juliette, veux-tu m'épouser?"

Juliette qui avait les yeux fermé, les rouvrit en grand et sursauta. Elle se redressa et regarda l'alliance. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il la demande à mariage.
"Tu es sérieux?"
Elle le regarda dans les yeux. Il avait l'air plus que sérieux. Sa crise de jalousie lui avait paru bien futile à ce moment précis. Un large sourire commença à étirer ses lèvres.
"Oui, oui, oui je le veux!"
Elle passa ses bras autour du cou de Soren qui tomba en arrière sur le lit.
"Bien sûr que je veux t'épouser..."

Soren éclata de rire quand elle le renversa sur le lit. Il lui passa la bague au doigt, puis l'embrassa en enfouissant ses doigts dans sa chevelure rousse.
"Comment pourrais-je tromper la femme que je désire épouser?"
La tenant tout contre lui, il sentit en même temps qu'elle le premier coup de leur bébé.
"Ah, je crois que tu l'as réveillée..."