Débloquer? [Neutre, privé Nymphadora]

Erwan était maussade. Deux semaines de tensions avec Nymphadora, et maintenant Kaïtos qui venait se mêler de sa vie privée, chose qu'il détestait. De plus, il lui avait plus ou moins fait la morale, et il avait été forcé d'écouter.
Assis à sa table habituelle, il feuilletait rageusement un livre. Pourtant, il n'avait pas la tête à ça. Sentant une présence, il leva la tête.
*Quoi encore?*

Nymphadora était entrée timidement dans la bibliothèque après avoir croisé Kaïtos qui en sortait. Elle marchait silencieusement dans la pièce plongée principalement dans la pénombre. Elle ne tarda pas à trouver Erwan. Elle sentait qu'il était en colère. Que lui avait donc dit Kaïtos? Elle tenta timidement sa chance d'une voix douce et claire.
"Erwan? Ca va?"

Erwan avait par la suite reconnu l'aura de Nymphadora. Il se referma immédiatement sur lui-même, derrière un mur de défense intérieur.
"Pourquoi ça n'irait pas?"
Il continua à feuilleter son livre, avec le sentiment d'être victime d'un coup monté. Et ça sentait l'idée de Kaïtos à plein nez.

Nymphadora s'arrêta nette. Elle ne pensait pas qu'il serait aussi froid. Elle croisa les bras, baissant le regard.
*C'était peut être une mauvaise idée.*
Intimidée par le chevalier, elle baissa le son de sa voix.
"Je me suis dit que peut être le fait qu'on ne se parle plus depuis deux semaines te travaille."

Erwan leva les yeux. Sa conversation avec Kaïtos l'avait aidé à réfléchir. Mais il laissait pour le moment son amertume prendre le dessus.
"Pourquoi penser ça? Parce que je peux ne pas avoir compris la raison de ce subit écart entre nous? Que ça peut éventuellement me faire souffrir et me préoccuper? Voyons..."
Son ironie était un brin cinglante. On aurait pu croire Maître Abnar.
"Tu me connais pourtant. Je ne vois pas pourquoi tu t'es posé cette question."

Nymphadora détourna le regard et se mordit les lèvres en réprimant une envie de partir se cacher dans un trou de souris. Elle prit son courage à deux et s'approcha du chevalier en silence. Elle désirais plus que tout que cette situation s'arrange entre eux. Au moins qu'il lui parle comme avant, elle ne demandait que ça. Une fois derrière lui, elle passa doucement un doigt sur la nuque d'Erwan, désignant un trait horizontal.
"Erwan, je t'aime et ce que tu m'as dit m'a blessé. Je sais que pour toi ça part d'un bon sentiment, mais moi je vois les choses autrement."

Erwan ne dit rien un moment. Il allait mettre sa souffrance personnelle de coté pour l'instant.
"Dans ce cas, il faut me dire en quoi."
Il lui lança un regard en coin.
"Du jour au lendemain, tu as pris de la distance. Explique-toi."

La jeune femme resta silencieuse. C'était rouvrir une plaie qui, y a peu commençait de nouveau à refaire surface dans le coeur de la jeune femme. Elle ne bougeait pas, restant derrière le jeune homme et cherchant du courage. Il lui avait dit mainte et mainte fois que sa vraie famille c'était eux maintenant. Comment allait-il réagir?
"Tu es censé savoir que l'on m'a emmené ici quand j'étais encore toute petite. Tu étais déjà à Emeraude quand je suis venue. Cependant comparé à nos soeurs et frères d'armes, j'ai plus vu mon enseignement ici comme une punition plutôt qu'un honneur."
Nymphadora marqua une pose en faisant le tour de la table.
"Je ne sais pas ce qu'il en est pour les autres et même pour toi, mais personnellement j'ai toujours été très attachée à ma famille. Lorsque mes parents ont découvert que j'avais des pouvoirs, mon père à prit la décision de m'envoyer ici. J'ai protesté, j'étais encore toute petite et ne voulais pas quitter les miens. J'ai imploré ma mère, elle m'a rejeté et par la suite ignoré. Je ne sais toujours pas pourquoi et j'en ai beaucoup souffert. Encore aujourd'hui de temps en temps."
Elle prit une chaise face à Erwan. Elle la tira en arrière et y prit place en silence.
"Quand j'ai su que tu voulais confier le potentiel bébé à des étrangers, tout m'est revenu en mémoire. Le sentiment de culpabilité, d'abandon et de solitude."
Elle se décida enfin à le regarder avec son visage tiraillé par la fatigue. Les nuits blanches auraient bientôt raison d'elle.
"Je suis consciente que toi qui considère l'ordre comme quelque chose de vital et qui a réussit à mettre son passé de côté, ne puisse pas me comprendre, mais je ne désire pas que cela se reproduise avec mon enfant et surtout je n'accepterais pas d'être de nouveau séparée des membres de ma famille."
En parlant, Nymphadora avait ouvert son coeur. Aussi s'il désirait le sonder, il pourrait voir qu'elle était des plus sincère.

Erwan resta muet un moment. Pourquoi ne pas lui avoir dit ça tout de suite? Il ne souffrait pas de son passé. Lui avait surtout été excité de découvrir toutes ces nouvelles choses, et de pouvoir réaliser son rêve. Mais il souffrait d'autre chose de bien plus récent. Il y viendrait plus tard.
"Tu aurais pu m'en parler."
Il la regarda dans les yeux.
"Je ne sais pas si tu comprends que je ne fais pas ça pour te faire souffrir, ni faire souffrir notre potentiel bébé. Ce serait le mieux pour lui, je persiste à le dire. Et tu as oublié une chose: tu avais cinq ans quand ça t'es arrivé, comme nous tous. Lui n'aurait que quelques jours, et n'en conserverait aucun souvenir. Sans oublier qu'il considèrerait sa famille d'accueil comme sa véritable famille."

"J'avais peur que tu me réprimandes. Tu n'arrêtes pas de me répéter que je dois arrêter de penser à mon passé."
Nymphadora baissa les yeux et regard ses mains. Qu'il ne garde aucun souvenir d'elle était sans doute ce qu'il lui fendait le plus le coeur.
"Peut être que tu as raison."
Elle sentit une boule de nerf se former dans son ventre. La douleur lui tira une petit grimace de désagrément. Elle avait de moins en moins envie d'avoir un enfant d'Erwan.

Erwan avait suivi le cours de ses pensées. Il sentait qu'il faiblissait. Il gardait trop de choses depuis trop longtemps. Ses poings se crispèrent sur la table.
"Tu crois que c'est facile pour moi? Toujours devoir être prêt, disponible, pour tous, à toute heure. Penser avant tout au bien du plus grand nombre. Consentir à des sacrifices, nombreux, et souvent personnels, pour que tout le monde vive bien. Je ne pourrais jamais avoir une vie normale."
Se sentant dangereusement vulnérable, il se leva et lui tourna le dos, paumes appuyées contre une étagère de la bibliothèque, bras tendus devant lui et tête baissée. Il avait les yeux fermés.
"Ne pas pouvoir espérer épouser celle que j'aime. Ni lui donner l'enfant qu'elle voudrait et que moi aussi je désire. Le regarder grandir en n'ayant pas la crainte de le retrouver tué par des hommes-insectes. Pouvoir lui apprendre tout ce que je sais et être un jour fier de lui."
Soudain, sur ses joues, des traînées humides apparurent. Des larmes. Qu'il n'avait pas versées depuis près de vingt ans.

La vague d'apaisement qu'Erwan reçut le soulagea un peu. Mais pas assez cependant. C'était trop profond et trop ancien. Il releva la tête, honteux qu'elle le voie comme ça. Il était un chef, et ne devait pas montrer une telle faiblesse. Il posa sa main sur celles de Nymphadora et se défit doucement de son étreinte.
"Je crois que je ne te rendrais jamais heureuse, Dora."
Son coeur était véritablement en miettes. Il pouvait toujours la laisser aller, qu'elle trouve son bonheur. Elle au moins.
"Tu ferais mieux de m'oublier. Peut-être un autre parviendra-t-il à te combler."
Il ne tourna pas son regard vers elle. Des yeux noyés de larmes qui fendaient le coeur.
"Kaïtos par exemple. Vous êtes proches il me semble. Lui pourra t'épouser et trouver du temps pour toi une fois tout en règles. Et probablement te donner les enfants que tu veux."

Nymphadora sursauta en entendant ses propos. Elle s'en voulait. Si seulement elle en avait pas fait toute histoire pour ce bébé qui n'existe même pas. Elle le serra plus contre elle, plaqua son front contre le dos recouvert de la cuirasse du jeune homme. Son visage était crispé par la peur et l'angoisse de le perdre. Elle était prête à perdre de n'importe qu'elle manière un bébé, tant qu'elle ne le perdait pas lui.
"Non Erwan, c'est toi que je veux. Avec ou sans une vraie vie privé, je ne désire être qu'avec toi. Tu es le seul que j'aime et aimerais."
Quelques larmes de profonde tristesse et désarroi commencèrent à couler le long des joues légèrement rebondies de la jeune femme.
"Personne à part toi."

Erwan appuya son front contre le bois de l'étagère. Il repensa à leur enfance. C'est vrai que la jeune femme avait été celle des enfants qui semblait le moins à l'aise. Le plus naturellement du monde, il l'avait pris sous son aile, encore petit garçon à l'époque. Il eut un sourire en se rappelant l'origine du surnom qu'il lui donnait. Il avait du mal à prononcer "Nymphadora", alors, il s'était contenté de "Dora". Et c'était resté.
Il prit une grande bouffée d'air. Il caressa la main de celle qu'il aimait du bout des doigts. Il s'en voulait atrocement de s'être montré aussi faible et vulnérable.
"Pardon de m'être montré aussi faible..."

Nymphadora le garda serrée contre elle. Elle serra les poings désirant arranger les choses. Elle n'aimait pas voir les gens souffrir autour d'elle. Encore moins ceux qui tenaient une place importante dans son coeur.
"Ne t'excuses pas. Tout chef que tu es a le droit de pleurer et de craquer quand ça ne va pas. Cela ne te rend pas plus faible mais plus humain."
Elle pinça les lèvres, avalant quelques larmes salées aux bords de ses lèvres.
"Je veux que tu pleures quand tu en as le besoin. Arrêtes de te cacher derrière cette muraille de glace."

Erwan se redressa un peu, et pivota, de sorte à se retrouver face à elle.
"Je n'ai pas le choix."
Il lui caressa doucement la joue.
"Comment faire sinon pour résister? Pour faire passer le reste avant? Je t'aime plus que tout Dora, mon amour..."
Il l'embrassa. Cela faisait longtemps.

Nymphadora avait plongé son regard dans celui d'Erwan. Lorsqu'il l'embrassa, elle crut fondre. Elle n'y avait plus espéré. Aussi lui rendit-elle avec amour et dévotion, cherchant à faire durer cet instant privilégié. Lorsque leur lèvres se quittèrent, se furent leur regard qui plongé l'un dans l'autre prouvait leur amour indestructible et plus fort que n'importe quel ennemis. La jeune femme passa ses doigts sur les lèvres légèrement rosées du chevalier.
"Je n'aime pas voir celui que j'aime souffrir."

Erwan la serra tout contre lui, plus apaisé à présent.
"Je te promets qu'un jour, on aura ce bébé que tu désires. On l'élèvera tous les deux."
Il enfouit son visage dans son cou. Pouvoir enfin l'étreindre après tout ce temps, sentir son odeur et embrasser sa peau, était un réel bonheur.

Nymphadora apprécia les paroles d'Erwan, même si elle n'y croyait pas vraiment. Peu importe, tant qu'il était là, elle était déjà heureuse. , Elle frémit lorsqu'il lui caressa le cou avec de petits baisers. elle se sentait fondre, ayant perdu l'habitude de ce genre d'attentions, en deux semaines.

Erwan sentit son doute et se redressa.
"Tu sais qu'un Chevalier ne doit jamais mentir, et que je n'ai qu'une parole. Si je te promets un bébé, on l'aura."
Il lui caressa la nuque du bout des doigts.
"Tu ne me crois pas?"

Nymphadora baissa le regard. Elle était perplexe.
"J'en doute surtout."
Elle passa un doigt sur les pierres de l'armure d'Erwan avec un petit sourire triste.
"Je sais que tu ne dis pas cela en l'air, mais avec toute tes obligations, les ecuyers que l'on va sans doute bientôt avoir, je me dis que je dois déjà m'estimer heureuse que mes sentiments vis-à-vis de toi soient partagés."

Erwan fronça légèrement un sourcil en la regardant.
"Dora, j'ai un doute quant à tes connaissances en matière de procréation."
Il eut un sourire qui n'était pas sans rappeler Kaïtos.
"Obligations ou pas, Ecuyers ou pas, nos corps s'en fichent. Il suffit d'une fois pour faire un bébé. Alors ça peut arriver plus vite qu'on ne le croit."

Nymphadora leva son regard étonné sur Erwan. Elle rosit légèrement.
"Tu me prends pour qui Erwan?! Bien sûr que je sais comment procréé!"
Elle ne le quittait pas de yeux. Puis remarquant qu'elle avait haussé la voix pour si peut, elle détourna le regard, confuse.
"Désolé."
Elle commençait à s'entortiller les doigts dans une de ses mèches.
"Je voulais dire que nous aurons encore plus d'obligation, toi en particulier sans doute et qu'il sera bien plus compliqué de se voir par la suite..."

Erwan lui caressa la joue.
"Ne t'en fais pas. On trouvera toujours du temps pour se voir. C'est certain. Et puis, c'est moi qui répartis les groupes pendant les missions. On sera sans doute souvent ensemble."
Il se rappela ce qu'elle lui avait dit une fois.
"Et puis, ça ne te dirait pas de concevoir un bébé dans la paille des écuries? Ou alors dans la chaleur des bains?"