La petite tant attendue [Neutre, privé Shiloïna]

Depuis que Shiloïna avait atteint son terme, Elessar était nerveux. La naissance pouvait se déclencher n'importe quand, et il savait qu'il devrait se hâter d'aller chercher la guérisseuse au village le plus proche. Son épouse avait l'air sereine et impatiente, pour l'instant. Mais ses frères et soeurs d'armes lui manquaient, maintenant qu'elle était clouée chez elle par ce ventre imposant.
"Bon, comment va-t-on l'appeler cette petite, au final?"
Le futur papa était assis à table, une longue liste de noms devant lui. Il avait la tête entre les mains, ne s'en sortant plus parmi tout ce que l'imagination de sa compagne avait couché sur papier afin de faire un choix de prénom pour leur enfant.

"Et bien ... je ne sais pas. J'aime bien Imala ... Tinuviel c'est joli aussi, comme Edelwing ..."

Shiloïna regarda Elessar et comprit bien qu'il savait déjà que tel ou tel prénom était joli. Tout ce qu'il voulait, c'était un choix, pour arrêter de se prendre la tête avec cette liste. La jeune femme fit la moue, alors qu'elle avait encore des tas d'idées en tête. Mais son époux n'accepterait surement pas de les entendre toutes.

"Que penses-tu de Taïss ?"

La jeune femme interrogea l'elfe du regard, guettant sa réaction.

Elessar eut un ricanement.
"Sinon, on peut toujours lui donner une vingtaine de prénoms, et on abrègera."
Il soupira.
"Shiloïna, sérieusement. On a eu neuf mois pour se décider sur un prénom, et maintenant que tu peux accoucher d'un moment à l'autre, rien n'est encore définitif!"
Il se massa les tempes.
"Si tu te décidais plus facilement, ce serait déjà fait. C'était pareil pour les couleurs de sa garde-robe, remarque..."
Il l'observa d'un air exaspéré.
"C'est joli Taïss, comme la demi-douzaine de prénoms qui l'ont précédé. On n'est pas plus avancés."

"Ça va, ça va, j'ai compris ... mais je maintiens Taïss. Et puisque tu sembles trouver ça joli aussi, on pourrait le garder."

Satisfaite de son choix, Shiloïna regarda son ventre. Elle était arrivée à terme, et il était plus gonflé que jamais. Mais pourtant, la petite ne semblait pas vouloir sortir. La jeune femme n'avait encore eu aucune douleur. Ça commençait presque à l'inquiéter. Elle s'installa tranquillement dans un fauteuil, prenant son mal en patience. Il y avait bien quelques décoctions qui provoquait soi-disant l'accouchement, comme certaines faisaient perdre l'enfant, mais Shiloïna ne voulait guère se frotter à ça. Elle posa doucement la main sur son ventre et laissa vaquer ses pensées. Tout à coup, elle sentit une douleur provenant de son bas-ventre, sans trop comprendre ce qui ce passait. A la deuxième contraction, elle se plia en deux pour ne plus avoir mal.

"Shiloïna?"
Elessar alla la voir, perplexe.
"Des contractions?"
Il toucha doucement son ventre. Il se contractait par moment, devenant de plus en plus dur.
"Bon, je crois que je vais devoir aller chercher la guérisseuse..."
Il lui passa la main dans les cheveux.
"Ca ne devrait pas être très douloureux maintenant. Ca s'intensifiera plus tard."

"c'est déjà très douloureux ..."

Shiloïna sourit faiblement à son époux, attendit qu'il parte et grinça des dents devant la douleur. Même pliée en deux, la jeune femme était très heureuse. Leur fille se manifestait, elle allait enfin pouvoir venir au monde. Elle avait hâte de pouvoir la prendre dans ses bras.
Un peu perdue, la jeune femme essaya de se lever et tituba jusqu'à leur chambre où elle perdit les eaux. Définitivement sur le point d'accoucher, elle renonça à faire quoi que ce soit et s'allongea sur le lit, essayant tant bien que mal de calmer les contractions.

Elessar revint assez vite avec la guérisseuse. Il n'eut que le temps de glisser un mot à son épouse avant qu'on le jette hors de la chambre.
"Coupe-toi de tes frères d'armes, ils vont sentir ta douleur sinon."
Puis, il dut commencer à tourner en rond dans le couloir. Il avait lui aussi entendu les interrogations des Chevaliers. Il sourit en songeant qu'ils devaient prodiguer des vagues d'apaisement à son épouse, afin de l'aider et de la soutenir à leur façon.
*Et moi, je suis condamné à être impuissant et à patienter sans rien pouvoir faire...*
Il soupira et s'assit dos au mur, face à la porte.

Elessar attendit plusieurs heures dans le couloir, sacrément angoissé. Puis, au bout d'un moment, son ouïe fine capta les pleurs d'un enfant qui venait de naître. Ces espèces de miaulements de chaton d'un tout petit être.
*Elle est née...*
Il se releva, les membres tout ankylosés. Il s'impatientait derrière la porte, voulant entrer. Finalement, on lui ouvrit enfin, et il put entrer afin de se rassurer sur l'état de son épouse et de leur enfant, malgré l'angoisse de la paternité qui lui nouait l'estomac.

L'accouchement de Shiloïna dura plusieurs heures. Elle cria de douleur plus d'une fois mais sa bonne humeur ne diminuait pas pour autant. Elle avait hâte de prendre sa fille dans ses bras, de pouvoir enfin la voir, lui sourire. Et de partager ce moment avec Elessar, bien sur. Soudain, crispée par l'effort, elle entendit les premiers pleurs de son enfant et se détendit enfin. La guérisseuse lui apporta son bébé qu'elle prit doucement. Celle-ci, auparavant en pleurs, se calma instantanément lorsqu'on la donna à sa mère. Son époux arriva, et la jeune femme berça doucement sa fille.

"Taïss ..."

Elessar fut soulagé de les voir en bonne santé. Il s'approcha un peu timidement, afin de voir à quoi ressemblait la petite Elfe, leur fille. Shiloïna était rayonnante de bonheur, malgré les souffrances qu'elle avait endurées.
"Alors, comment tu te sens?"
Il avisa les oreilles pointues de la petite, ses cheveux blonds, raides et humides collés à son crâne, et ses deux prunelles bleues qu'elle avait montrées en ouvrant les yeux quand sa mère la mit au sein.

"Moi ? Parfaitement bien."

Shiloïna rétablit le contact avec ses frères et sœurs d'armes puis posa les yeux sur Taïss. Affamée, elle était déjà en train de prendre le sein et d'avaler le premier lait essentiel à la survie. La jeune mère caressa doucement la joue de sa fille, émerveillée.

"Et toi... tu te sens bien ?" demanda t-elle à son époux.

Elessar éclata de rire.
"Moi? On ne peut mieux."
Il leva les yeux au ciel.
"C'est toi qui vient d'accoucher, et tu me demandes à moi si ça va!"
Il secoua la tête et la regarda avec un petit sourire.
"Inutile de te demander si tu es heureuse, je crois."

"Ça se voit tant que ça ?"

Shiloïna regarda Taïss. Elle avait bu goulument tout le lait et c'était recroquevillée sur la poitrine de sa mère. La guérisseuse lui enleva sa fille pour lui faire faire un petit brin de toilette, histoire d'enlever les dernières traces de sang. Pendant ce temps, la jeune femme voulu se lever, mais l'épuisement dû à l'effort fourni nouait ses muscles et elle se raisonna bien vite.

"J'espère que je vais vite pouvoir me lever... ça va me tuer de rester allongée."

Elessar haussa les épaules.
"Tu voulais un enfant, maintenant tu assumes."
Le nouveau-né s'était mis à pleurnicher, désirant être tranquille pour dormir plutôt qu'être manipulé et plongé dans un bain par la guérisseuse. C'était néanmoins nécessaire. Elle leur montra comment langer et vêtir le bébé, après quoi elle la déposa à nouveau dans les bras de sa mère, avant de lui faire sa toilette. L'Elfe observait tout cela sans broncher. Il jetait en général des coups d'oeil à la dérobée à la petite, un peu méfiant. Il ne savait pas trop qui, de l'angoisse ou du soulagement, l'emportait en lui.

Shiloïna prit sa fille et l'installa sur sa poitrine. Taïss s'endormit bien vite, épuisée après tant d'efforts. Sa mère la regarda quelques instants dormir, puis distingua grâce à ses sens aiguisés l'inquiétude qui s'emparait de son époux :

"Tu t'inquiètes ?"

L'elfe ne put s'empêcher de repenser à la manière dont il avait réagit lorsqu'il avait appris la nouvelle. Oui, il s'inquiétait forcément... elle espérait que tout aller bien se passer par la suite.

"Il ne faut pas... tout les hommes sont passés par là. Et ils ont presque tous réussi à s'en sortir et à élever convenablement leur progéniture. Surtout un homme loyal et dévoué comme toi... si tu ne l'était pas, tu ne serai jamais revenu."