Aucune envie [Neutre, privé Meridith]

Dans la cuisine, Meridith était déjà debout depuis une bonne heure. Elle avait été réveillé par un horrible cauchemar qui lui faisait encore des sueurs froides. Pour se changer les idées, après un rapide petit déjeuné, elle avait décidé de commencer une nouvelle série de pots de confitures. A ses temps perdue elle en faisait, cela leur changeait de leur quotidien alimentaire et cela permettait également de gagner un peu d'argent au marché. Après avoir été chercher de l'eau, elle en mit une partie dans la marmite qu'elle mit sur le feu et avec le reste elle lava ses fraises qu'elle était allé chercher la veille. Tout en lavant ses fruits bien mûres, elle fredonna un petit air qu'elle avait de sa mère adoptif. Cela lui permettait également de penser à autre chose qu'au départ d'Altan.

Altan alla dans la cuisine, où il fut assailli par une forte odeur de sucre chaud et de fruits. Sa soeur adoptive était en train de faire des confitures. Il ferma les yeux en la voyant, la trouvant si belle dans la pâle lueur dorée du matin qui filtrait par la fenêtre.
Il alla près de la cheminée et mit du gruau à chauffer. Il mesura soigneusement le grain, afin d'en épargner le plus possible, et d'en avoir pour son voyage, avant de l'ajouter à l'eau qui chauffait. Puis, il se tourna vers la jeune femme et alla lui déposer un baiser sur la joue.
"Tu as déjà nourri les poules ce matin?"
Parler de choses routinières pour faire comme si tout allait bien. Alors que pour lui, tout allait mal.

Meridith sursauta, se coupant dans le doigt maladroitement, lorsqu'il lui déposa un baiser sur la joue. Elle ne l'avait attendu se lever. Elle était trop enfermée dans ses pensées.
"Altan!"
Par réflexe, elle pressa son doigt avec son tablier pour arrêter le sang qui coulait de sa plaie, fine mais malheureusement profonde.
"Tu m'as fait peur!"
Elle mit son doigt en bouche. La salive ferait désinfectant.
"Ne me fais plus une peur comme ça... Et, oui je suis aller nourrir les poules en allant chercher de l'eau avant."

"Bien..."
Altan pesta un peu intérieurement. Ca lui aurait permis de s'occuper l'esprit. Il s'assit face à elle et posa sa tempe sur son poing, coude sur la table.
"Et Feuillage? On ne peut pas la mettre au pré en ce moment, alors il faut lui donner du foin et de l'eau claire. A la vache aussi d'ailleurs."
Quelles maigres possessions ils avaient! Des volailles (poules, dindes et coq), une vache et une vieille jument pommelée. Pourtant, si Meridith était devenue sa compagne, il s'en serait pleinement satisfait. Même s'il avait simplement pu rester auprès d'elle.

Meridith fit non d'un signe de tête en s'enroulant le doigt autour d'un linge propre.
"Je ne l'ai pas encore fait, désolé. Juste les poules."
Elle détailla quelques instants son frère. Il paraissait fatigué et lasse. Cela devait être son prochain départ qui l'abattait autant. Meridith fini rapidement de s'occuper de sa confiture et la laissant mijoter. Elle lava son couteau et sa planche en bois puis alla s'asseoir en face d'Altan. Le voir ainsi l'attristait. Elle ne savait pas comment faire pour lui rendre le sourire. Timidement, elle posa sa main sur celle du jeune homme.
"Altan, tu n'as pas l'air bien. Tu devrais peut être aller te recoucher. Je vais m'occuper du reste."

Altan serra doucement le poing. Il secoua la tête.
"Non, ça va aller. C'est juste que..."
Il se tut. Il ne voulait pas lui dire combien il lui coûtait de la quitter. Quant à lui dire qu'il l'aimait... jamais de la vie. Il se leva, peut-être un peu trop promptement.
"Non, rien. Je vais aller m'occuper de Feuillage, et traire Thym. On aura du lait frais, et avec de la chance, on en tirera même du beurre. Et j'en profiterai pour ramasser les oeufs."
Toutes ces tâches tellement quotidiennes l'aidaient à se sentir plus serein. Comme si rien n'allait changer.
"Et il faut réparer le poulailler. Sinon, des renards pourraient bien venir faire un sort aux volailles."

Meridith ne le contredit pas. Elle se contenta d'acquiescer, un peu déçu qu'il ne lui dise pas ce qui le travail. Elle se leva à son tour et alla mélanger la préparation dans la marmite.
"Une fois les confitures mises en pots, j'irais au marché avec Epona voir si je peux en tirer quelques écus et quand je rentrerais, je m'occuperais de laver l'intérieur."

Epona... Il oubliait souvent cette jument. Peut-être parce que sa soeur ne l'avait pas depuis longtemps, et aussi parce qu'elle passait le plus clair de son temps à brouter dans le champ voisin, ou dans le sous bois. Il la voyait peu.
"D'accord. Fais comme tu le sens."
Il sortit et battit des paupières sous la vive lumière qui lui agressa les pupilles. C'était une belle journée qui était en vue. Le jeune homme soupira, et alla dans l'étable où se trouvaient Feuillage et Thym. Il nourrit et abreuva tout d'abord la vieille jument, puis il fit de même avec la vache avant de prendre un seau et de la traire. Comment le prendrait Meridith si elle savait qu'il l'aimait, non pas comme une soeur, mais comme une femme? En tout cas, les autres gens réagiraient vivement à cet amour incestueux. Et ses parents? Comment auraient-ils réagi?
Toutes ces questions le taraudaient. Même quand il revint dans la cuisine avec un seau plein de lait frais, et une demi douzaine d'oeufs.

Altan avait déjà réparé la grille du poulailler quand sa soeur revint. Elle avait gardé deux pots de confiture pour eux. Il n'aurait sans doute pas trop l'occasion de la savourer. Ca aussi, ça allait lui manquer. Il devenait de plus en plus morose au fil du temps qui passait.
"Alors, tu en as tiré un bon prix?"
Il était assis à table et buvait une timbale d'eau de vie de qualité plus que médiocre. Ses pensées lui semblaient décalées. Il en était venu à se dire qu'elle devrait s'acheter un chien, afin d'être plus en sécurité quand il serait parti. Et même, ce qui était la pensée la plus douloureuse pour lui, partir se marier et fonder une famille. Etre heureuse, comme elle en avait le droit.

Meridith entra avec le sourire. Elle en remarqua pas tout de suite l'air encore plus abattu de son frère.
"J'en ai tiré un très bon prix. Regarde."
Elle sortit de la poche interne de sa cape une bourse en soit mauve remplit d'écus. Son sourire s'élargit en voyant l'air intrigué d'Altan. La bourse ne leur appartenait pas et elle n'avait jamais eut autant d'argent pour si peu de marchandise.
"Tu ne devinera jamais."
Elle s'assit face à lui et déversa le contenu sur la table.
"Un homme qui travail aux cuisines du château, m'a tout acheté! Il disait qu'il en avait gouté et qu'il les trouvait excellentes pour sa Majesté! Tu te rends comptes!"
Pour Meridith ce fut un vrai bonheur de savoir que ses confitures vont être dégusté par la famille royale.

"Eh bien, c'est quelque chose."
Altan eut un pâle sourire, heureux pour elle. La voir comblée par ce bonheur simple lui réchauffait le coeur.
"Je me demande si les Chevaliers y auront droit eux aussi. Si ça se trouve, je pourrais en manger."
Il secoua la tête, ayant surtout pensé à voix haute. Mais il ne voulait pas l'embêter avec ses tracas.
"Désolé. Oublie ce que je viens de dire."

Meridith le regarda un instant et lui adressa un tendre sourire.
"C'est donc ton départ qui te tracasse tant."
Elle posa sa main sur la sienne et la pressa légèrement, écartant l'argent qui les séparait de son autre main.
"Mais voyons Altan, il n'y a pas de raison de te mettre dans cet état."
Elle pouvait parler, malgré les apparences elle avait du mal à positiver. Elle allait se retrouver seule.
"Tu vas devenir un Chevalier d'Emeraude. C'est fantastique. Une opportunité unique. Tu devrais être des plus heureux."
Elle lui serra les deux mains.
"Fini tout ça, la vie de paysan. Tu vas être un héros. Papa et maman seront sans aucun doute encore plus fière de toi."
Elle eut un petit rire.
"Et tu aura sans doute mieux à manger que mes confitures."

"Ca m'est égal. Ce n'est pas ça l'important."
Maintenant qu'ils en étaient là, autant jouer franc jeu. Altan soupira.
"C'est ici chez moi. C'est tout ce que j'ai. Peu m'importe de vivre à la dure."
Il baissa les yeux. Il en venait au point douloureux.
"Et je ne veux pas te quitter ni te laisser seule. Je l'ai promis."

Meridith détourna un peu le regard. C'est vrai qu'il avait promit... Elle soupira doucement, gardant les mains d'Altan dans les siennes.
"Voyons Altan, tu vas partir mais c'est pour la juste cause. Tu vas sauver des vies, combattre le mal, essaye de ne pas te faire tuer s'il te plait, ajouta-t-elle rapidement. Depuis que papa et maman sont morts, tu as honoré ta promesse, mais pensais-tu vraiment qu'on allait rester ensemble pour toujours?"
Meridith baissa la voix et la tête, laissant ses cheveux lui cacher le visage. Elle eut un violent pincement au coeur en pensant qu'elle ne reverrait sans doute plus l'être qui comptait le plus à ses yeux. Mais le garder avec le potentiel qu'il avait et le forcer à vivre cette vie avec elle était pure égoïsme. Elle devait avant tout penser au bien des autre et aussi à celui d'Altan.
"Ton destin c'est pas de vivre à la campagne jusqu'à la fin de tes jours à honorer une promesse en gâchant ta vie. Ton destin c'est bien plus que ça."
Elle se tut en serrant plus les mains d'Altan, voulant le garder avec elle. Pour empêcher les larmes de couler, elle se mordit violemment la lèvre inférieur.

"Plus j'y pense, et plus je suis persuadé du contraire."
Altan laissa aller sa tête en arrière et fixa le plafond.
"Eux, ils ont sept Chevaliers, et d'autres en formation. Il en viendra toujours de nouveaux. Mais toi... tu seras seule, pour une durée indéterminée. Qui veillera sur toi?"
Il repensa à tout ces petits éléments de leur vie quotidienne, qui devenaient si chers à ses yeux.
"Qui réparera ce qui a besoin de l'être? Qui ira entretenir le petit champ, et les cultures? Qui s'occupera de tous les animaux? Tu comptes faire ça toute seule?"

Meridith garda les yeux fixés sur le dessus de la table en bois. Elle n'avait pas la réponse à ses questions. Elle devait encore réfléchir.
"Je pourrais toujours demander de l'aide. Je serais me débrouiller. Je ne suis plus une petite fille non plus."
Elle pinça les lèvres pour ne pas pleurer en se rappelant les bons vieux souvenirs avec leurs parents quand ils étaient petits. Comme cela lui manquait.

"Je sais."
Altan se leva. Il avait pris une décision. La journée était déjà avancée avec tout le travail qu'ils avaient accompli.
"Je sais."
Il tourna les talons et alla à sa chambre. Il devait écrire. Une chance pour eux, leurs parents connaissaient les lettres et les leur avaient enseignées. Tout le monde n'était pas si bien logé. Il s'assit sur son lit, prit un parchemin un peu froissé et une plume d'oie passablement usée, ainsi qu'une bouteille d'encre noire à moitié vide. Sûr d'être seul, il se mit à écrire.

Altan acheva sa lettre. Il la referma et la glissa sous son matelas, bien cachée. Le moment venu seulement. Maintenant, il devait penser aux choses pratiques. Il rangea son matériel d'écriture, et rejoignit sa soeur adoptive dans la cuisine. Elle finissait de préparer le repas. Une soupe, comme souvent, un simple bouillon avec des oeufs, un peu de viande et des légumes. Sans oublier pain et eau. Même un petit extra de la journée: un beau morceau de fromage pour chacun. Le beurre qu'ils avaient fait précédemment était terminé depuis la veille, il fallait en refaire.
"Si je pars avec Feuillage, tu pourras utiliser Thym pour les travaux non?"

Une fois attablés, Meridith avait retrouvé le sourire. Un faux bien entendu. Comment rire quand la seule personne qui à de la valeur à vos yeux s'en va pour toujours.
"Oui, mais n'oublis pas que j'ai également Epona. Elle est jeune mais robuste. Tout le monde s'en rendrait compte rien quand la voyant."

"Bien sûr. Epona."
Altan but une longue gorgée de bouillon, puis il attaqua les morceaux à la cuiller.
"J'espère que Feuillage résistera au voyage. La route sera longue, mais si je ne force pas, ça devrait aller."
Il fixa un dé de carotte d'un air absent.
"Après-demain. Après-demain, je dirai définitivement adieu à tout ça. C'est comme renoncer à toute une vie."

Meridith ne faillit pas et garda un petit sourire au coin des lèvres. Elle posa sa joue sur la paume de sa main.
"Tu verras, tout se passera bien. Pour toi, et pour moi. Alors s'il te plait..."
Elle se leva et se pencha au dessus de la table. Elle posa un doigt à côté de chaque coin de lèvre d'Altan et les tira vers le haut imitant un sourire.
"Sourit! J'ai pas envie de te voir encore pendant un jour faire cette tête."

Cette fois, un léger sourire s'invita sur les lèvres du jeune homme.
"Je veux bien essayer, mais sans garantie."
Il finit son bol, et prit le pain et le fromage.
"Encore un jour, je vais faire cet effort. Pour toi."