Surprise [Neutre, privé Meridith]

Altan était Chevalier depuis plusieurs semaines. Il suivait un entraînement intensif au niveau magie, histoire et maniement des armes, mais apprenait très vite. A présent, on lui avait conseillé de se familiariser avec le peuple, de se faire connaître en tant que membre de l'Ordre. Il avait pris le chemin d'un village d'Emeraude sur sa nouvelle jument, Brume.
Bizarrement, il n'avait jamais été aussi intimement lié à autant de personnes que depuis qu'il était devenu Chevalier, mais il ne s'était jamais senti aussi seul. Sa morosité inquiétait ses frères d'armes, mais il leur en cachait la cause. Parvenu au village, les paysans manifestèrent leur enthousiasme à la vue de sa cuirasse verte dont les émeraudes brillaient aux rayons du soleil.

Meridith venait d'arriver à l'instant même dans le village d'Emeraude. Par chance elle ne s'était pas perdue. Elle était ici pour rendre visite à une amie qui avec sa famille était partie de Fal pour ce royaume. Se doutant qu'elle ne rencontrerait pas Altan, étant donné qu'il vivait au palais, elle prit directement la direction indiqué par la lettre qu'elle avait reçu quelques jours à l'avance. Sa monture marchait au pas, et bien en hauteur, Meridith perçu une foule devant elle. Le visage de chaque habitant était rivé sur un cavalier à la cuirasse Emeraude. Le coeur de la jeune femme ne fit qu'un tour en s'approchant. Etait-ce...

Altan mit pied à terre, un brin gêné par les honneurs que les paysans lui faisaient. Il se sentait encore plus proche d'eux que des autres Chevaliers pour le moment. Il ne se sentait nullement supérieur. On s'occupa immédiatement de sa jument, et on le pria de bien vouloir rejoindre le chef du village. On ne lui laissa pas trop le choix d'ailleurs. La moitié de la foule l'emporta vers la maisonnette de l'homme en question, même s'il aurait préféré aider les paysans dans leur travail que de recevoir tous ces honneurs qu'il ne pensait pas mériter.

Sur l'ordre de sa cavalière, Epona avança toujours au pas vers la foule. Elle s'était réunit devant une maison et le cavalier à la cuirasse verdâtre était apparemment à terre. Elle fit de même et prit sa jument par la bride. Elle avisa un paysan un peu en retrait qui regardait la foule sans rien dire.
"Excusez-moi, pouvez-vous me dire pourquoi il y a tant de monde agglutiné devant cette demeure?"
L'homme détailla un instant la jeune femme qui ne scillait pas jusqu'à ce qu'il consente à lui répondre.
"A cause d'un nouveau chevalier d'Emeraude. Il est en ce moment même chez le chez du village."
Donc elle avait bien vu. Mais était-ce vraiment Altan? Elle devait en avoir le coeur net.
"Cela arrive souvent?"
"Un nouveau chevalier?"
Meridith lui adressa un petit sourire d'excuse. Si il s'en doutait, maintenant il en était sûr, elle ne venait pas du coin. Il répondit par un signe de tête.
"Non, c'est rare. Cela fait plusieurs années que le royaume n'a pas vu de nouveau chevalier."
C'était donc clair, il s'agissait d'Altan. Cela ne pouvait pas en être autrement.

Altan était plutôt mal à l'aise. Tout cet échange de politesses n'était pas trop sa tasse de thé. Point de vue diplomatie, il était loin d'égaler Erwan. Il exposa le but de sa visite, en insistant sur le fait qu'il voulait leur offrir un peu d'aide pour rentrer le blé fauché dans les champs par exemple. Tout ceci lui permettait de penser à autre chose qu'à son amour perdu et impur.
Après un dernier verre de bière, le Chevalier put enfin s'éclipser. Il rejoignit un groupe de jeunes gens plutôt enthousiastes de le voir. Il remarqua avec malaise que les jeunes femmes semblaient beaucoup s'intéresser à lui, surtout quand il retira sa cuirasse pour être en tunique, plus idéale pour travailler. Quand le soleil monterait et cognerait dur, il se mettrait sans doute torse nu. Fort heureusement, aucune ne lui fit d'avances. Elles n'auraient pas osé, surtout à cause de son rang.

Meridith avait tout suivit de là où elle se trouvait. Elle hésitait à le voir. Peut être que finalement ses sentiments avaient changé depuis qu'il lui avait écrit sa lettre. Lettre qu'elle garde toujours sur elle d'ailleurs. Peut être qu'elle faisait une erreur si elle allait le voir. Mais entendre toutes ses femmes qui gloussèrent en voyant Altan l'agaçaient. Elle le suivit d'abord du regard, puis tira un peu Epona pour qu'elle la suive. Cela faisait tellement longtemps qu'elle ne l'avait pas vu. Quelques semaines qui lui avait paru des années. Il était toujours encore aussi beau, et même plus maintenant qu'il portait les couleurs du royaume. Meridith désirait encore profiter un peu du spectacle, qui ne fut que plus passionnant lorsqu'il commença à s'occuper du blé avec les autres habitants. Elle avait totalement oublié son amie qu'elle était venue voir. Elle aurait pu rester là où elle était et le regarder travailler sans rien dire durant des heures. Et puis elle se décida à aller le voir. Il ne devait pas l'avoir remarqué ou alors faisait semblant pour ne pas qu'on le dérange, car quand elle fut près de lui, il ne la remarqua pas.
"J'aurais aussi besoin de tes services à l'occasion."

Altan était enfermé dans ses pensées tandis qu'il vaquait aux occupations des paysans, sa tunique sur l'épaule, lui tenant décidément trop chaud. Quand il entendit qu'on lui parlait, il leva la tête, son cerveau reconnaissant la voix au ralenti. Il sursauta en voyant Meridith devant lui, et se demanda s'il ne divaguait pas. Pourtant, il semblait que non. Son coeur s'était instantanément emballé, menaçant de lui percer la poitrine. Il était à la fois aux anges, et mort de honte. Il ne pensait plus jamais la revoir, et maintenant qu'elle avait lu sa lettre, elle savait ce qu'il ressentait pour elle.
"Meridith... Tu... Ici?"
Il ne savait pas quoi dire, balbutiant, ayant envie de la serrer dans ses bras, ou de fuir.

Meridith eut un large sourire. Visiblement il ne s'attendait pas du tout à la voir ici. Elle avait une folle envie de sauter dans ses bras et de s'y blottir, mais cela n'était peut être pas de rigueur. Pas pour le moment.
"Et oui, comme tu peux le voir."
Elle tourna la tête, toujours un sourire sur les lèvres et observa deux jeune femmes au loin qui les observaient par dessus leur épaules.
"Je viens d'arriver et voyant qu'il y avait une foule monstre près d'une demeure, je me suis renseignée et en ai déduis qu'il ne pouvait s'agir que de toi."
Elle le regarda de nouveau. Il était magnifique, même en sueur et un peu sale.
"Je suis heureuse de voir que tu te portes bien."

"Toi aussi tu as l'air en forme."
Altan se sentait furieusement mal à l'aise. Sans qu'elle ne dise rien, il se sentit obligé de s'expliquer. Il la tira un peu à l'écart, tête basse, comme un chien pris en faute.
"Tu sais, à propos de la lettre... Je suis désolé. J'ai essayé d'oublier mais..."
Il soupira, se trouvant débile. Comment justifier ça? C'était déjà un miracle qu'elle lui parle après ce qu'il lui avait avoué. Car après tout, il restait son grand frère, même sans lien de sang.

Meridith ne dit rien au début. Elle voulait lui dire qu'elle l'aimait et qu'elle voulait être avec lui, mais...
"Tu as essayé de m'oublier?"
Elle baissa le regard, un peu déçue. Puis voulant ouvrir son coeur comme il l'avait via la lettre, elle secoua la tête et plongea son regard dans le sien, lui passant une main sur la joue.
"Tu n'as pas à t'excuser pour la lettre. Au contraire. Je suis heureuse que tu m'ai ouvert ton coeur même si ce fut juste avant ton départ."
Elle lui adressa un petit sourire.
"Tu sais, après avoir lu ta lettre, j'ai beaucoup pleuré. Je me suis rendu compte que durant plusieurs années nous nous aimions du même amour mais que n'avons jamais osez nous l'avouez. J'ai cru que j'allais en perdre la raison. J'avais perdu celui qui m'aimait et celui que j'aimais."

Altan secoua la tête.
"Pas de t'oublier toi, mais d'oublier mes sentiments..."
Soudain, le sens des paroles de la jeune femme le frappa. Elle l'aimait? Il ouvrit des yeux ronds comme des billes, ne sachant plus quoi dire.
"Tu... m'aimes?"
Il n'osait y croire. C'était trop beau.

Meridith acquiesça toujours en souriant. Elle glissa sa main dans la sienne et la serra.
"Je t'aime toujours et encore."
Meridith le détailla rapidement, le coeur battant la chamade.
"Et te voyant maintenant alors que tu es devenu un chevalier, je me dis que j'ai peut être perdu quelqu'un d'exception."

"Mais... ça ne te dérange pas qu'on..."
Altan déglutit en regardant autour de lui, afin de vérifier qu'ils étaient seuls.
"C'est un amour impur... On ne devrait pas pouvoir s'aimer en tant que frère et soeur. Même si on n'a aucun lien de sang."
Timidement, il leva la main et lui caressa doucement la joue du bout des doigts, relevant une mèche qui y était tombée.

Meridith posa sa main sur la sienne.
"Je n'y peu rien. Faire taire mon amour encore plus longtemps risque de me couter chère."
Elle s'approcha encore plus près de lui. Une fois assez proche, elle se mit sur la pointe des pieds et approcha ses lèvres de celles d'Altan.

Altan crut que sa poitrine allait exploser. Il se servit de ses sens magiques pour être certain qu'ils soient seuls. Et là, il approcha ses lèvres de celles de la jeune femme jusqu'à ce qu'elles se touchent. Quand ils s'embrassèrent, il crut qu'il rêvait. Il n'espérait ça que dans ses rêves les plus fous. Et là, c'était bien réel. Il se sentait sale, torse nu et en sueur, tandis qu'elle était aussi fraîche et pure qu'une fleur de printemps. Il lui passa la main dans les cheveux et la serra doucement contre lui sans interrompre leur baiser. Il avait l'impression que cela mettrait fin à l'illusion.

Meridith était aux anges. Elle passa ses bras autour du cou d'Altan se fichant qu'il soit sale et en sueur. Elle voulait le garder avec elle. Juste être avec lui pour toujours. Quand leur lèvres se quittèrent quelques secondes, Meridith passa doucement son doigt sur la lèvre inférieur d'Altan avant d'y reposer les siennes.

Ils restèrent encore un long moment enlacés. Altan était conscient du regard dépité et envieux de certaines jeunes paysannes. Mais son coeur avait fait son choix depuis des années déjà. Malgré tout, il la repoussa doucement au bout d'un moment.
"On ne devrait pas... Tu mérites mieux que moi, Meridith."
Il s'écarta d'elle, se sentant un peu au pied du mur. Pour ce qu'il avait appris du Code, il était en droit de se marier, n'ayant pas d'Ecuyer. Mais elle restait sa soeur par adoption, et ce serait très mal vu. De plus, sa vie était désormais au château. Elle était plus inaccessible que jamais.

Meridith fronça un peu les sourcils. Elle ne comprenait pas vraiment. Elle l'aimait et ne désirait qu'être avec lui malgré qu'il soit son frère mais par adoption uniquement.
"Mais je ne veux personne d'autre que toi."
Elle lui prit les deux mains.
"C'est toi et uniquement toi que j'aime."
Elle capta du coin de l'oeil le regard des paysannes. Elle ne voulait en aucun cas que l'une d'elle la remplace au près d'Altan.

Altan ferma lentement les yeux en sentant un violent désir le prendre. Cela lui arrivait parfois quand il était encore simple paysan. Il devait se contrôler.
"Qu'est-ce que diraient les gens? Je devrais pouvoir me marier, mais il y a plusieurs conditions."
Il sentait que tout lui échappait totalement. Ils devaient aller parler de ça ailleurs.
"Tu ne veux pas qu'on aille ailleurs pour en parler?"

Meridith acquiesça. Elle comprenait, il ne désirait sûrement pas que tout le monde entende. Cela ne les regardait que eux.
"Où tu voudra. Je ne connais pas bien les lieux pour décider."

Altan l'entraîna loin du village, dans les champs encore non taillés. Ils allèrent s'asseoir dans les hautes tiges de blés, invisibles et vraiment seuls cette fois. Il décida de lui révéler quelque chose qu'il n'avait pas dit dans sa lettre.
"Tu vois cette fameuse cicatrice?"
Il lui indiqua celle qui zébrait son avant-bras. Elle hocha la tête.
"Quand tu m'as demandé ce que c'était, je t'ai répondu que je m'étais blessé en travaillant. Mais c'est un mensonge. Je soufrais déjà de cet amour. J'en avais honte. Du coup, je me suis mutilé. C'est un coup de poignard qui m'a fait ça."

Surprise et choqué de son mutisme, Meridith se plaqua les mains sur sa bouche. Elle regarda la cicatrice un instant sans rien dire. Déjà à l'époque... Pourquoi ne lui avait-il rien dit?!
"Altan, mais tu es fou... Tu as du avoir horriblement mal. Tu ne peux pas savoir à tel point j'ai eu peur après que tu te re-blesse en travaillant."

Altan secoua la tête.
"Je ne pouvais pas te dire la vérité. Ni que je t'aimais. J'avais l'impression d'avoir une tare, une impureté, que j'étais un fou, et surtout dangereux et indigne de toi."
Il eut un rire amer.
"Tout ça pour finalement l'avouer dans une lettre... Si je n'avais pas été certain de ne pas te revoir, je n'aurai rien dit. Mais le sort en a décidé autrement."
Le Chevalier détourna le regard. Il se sentait misérable.

Meridith le regarda, triste qu'ils ne se soient avoué leur amour commun qu'aujourd'hui. Quelques années au par avant et ils seraient sans doute ensemble maintenant à Fal. Attendrie par la petite mine que le chevalier avait, Meridith se jeta à son cou et ils basculèrent tout les deux en arrière. La jeune femme enfouit son visage dans le cou du jeune homme.
"Ne dit pas de bêtise Altan!"

Altan se mordit les lèvres. Il avait terriblement envie d'elle. Il la repoussa doucement.
"Arrête..."
Il resta étendu sur le dos. Et maintenant, qu'allaient-ils faire? Lui allait rentrer au château, et elle devrait retourner de son côté. Leurs chemins avaient divergé, et ils ne semblaient plus pouvoir se recroiser. A moins qu'il ne trouve l'audace de demander sa main à Meridith et de l'épouser devant le Roi. Le soleil ne l'aidait pas à réfléchir. Il maudissait ses pouvoirs. A cause d'eux, il ne pouvait pas avoir la vie qu'il voudrait. Oui, mais sans eux et son enrôlement dans les Chevaliers, aurait-il déclaré sa flamme à la jeune femme?"