En cette froide journée, Ilyana se sentait seule. Plus seule que jamais. Kaë était absente, à cause de la mauvaise saison, et serait dans un autre village pour la journée, afin de profiter du marché d'hiver. Quant à Orion... inutile d'y penser. Elle était à terme depuis quelques jours, mais ne s'attendait pas trop à ce qui allait suivre. Très tôt le matin, elle commença à sentir des contractions. Elle se leva après un long moment, pour aller chercher quelqu'un, mais il lui apparut qu'elle n'irait pas loin, elle avait trop mal. Aussi, elle se recoucha.
Plus tard dans la matinée, elle perdit les eaux. A partir de ce moment-là, le vrai travail commença, la douleur s'accentua, et son angoisse également.
Les heures passèrent alors que ses contractions se rapprochaient, de plus en plus violentes. En désespoir de cause, pour soulager un peu sa tension, elle se mit à parler à son ventre.
"Bon, comme tu es pressé, on va devoir travailler tous les deux... Si on n'y met pas du notre, on va y passer, toi et moi."
Quand elle dut commencer à pousser, les douleurs devinrent véritablement insupportables. Elle avait l'impression de sentir nettement l'avancée de son bébé. Mais elle devait se focaliser sur énormément de choses.
"C'est bien mon bébé. Si on continue comme ça, on va y arriver."
Midi était passé. Le bébé n'était toujours pas là. Ilyana s'épuisait et s'inquiétait.
Vers le début de l'après-midi, elle tâta son entrejambe, le visage déformé par la douleur. Elle sentit la tête du nourrisson, ce qui lui redonna du courage. Elle reprit ses poussées en tentant de passer outre son mal.
Au bout d'une petite heure, elle donna ses dernières forces, et dans une poussée qui lui laissa l'impression de lui arracher les tripes, elle parvint enfin à dégager complètement le bébé.
Epuisée, les joues mouillées de larmes de douleur, elle se laissa aller un instant. Elle se redressa péniblement, et put enfin voir son enfant, qui gigotait un peu en piaulant de manière étouffée, couché sur le lit entre ses jambes, recouvert de sang et de fluides. Elle voyait de plus en plus flou. Elle réussit à prendre le bébé tout gluant dans ses bras, mais toute force l'abandonna soudain, et elle tomba dans les pommes.
Quand elle se réveilla plusieurs heures plus tard, le petit corps glacé de la petite fille qu'elle avait mise au monde était sans vie. Un désespoir total s'empara d'elle, alors que le monde s'effondrait sous elle. Elle serra convulsivement le bébé mort contre elle, pleurant toutes les larmes de son corps, et refusant de croire à la tragédie qui venait de s'abattre sur elle.