Conséquence [neutre, privé Chess]

Chess était rentré depuis presque un mois et demi. Le ventre d'Aléa s'était encore arrondi, et le bébé lui donnait régulièrement des coups. Pas très forts, mais un peu plus que Raphaël. Tout se passait bien dans le couple et rien ne semblait pouvoir nuire à leur bonheur. Ils étaient tout deux dans la maison, mais se fut Aléa qui alla ouvrir lorsque quelqu'un toqua à la porte.
"Je peux vous aider mademoiselle ?"

Chess avait senti son sang se glacer quand il avait vu sa maîtresse d'une nuit entrer. Maintenant, il se demandait ce qu'elle lui voulait. Elle semblait constamment sur le point de fondre en larmes, et jetait de petits coups d'oeil fréquents au ventre bien rond d'Aléa, que cette dernière caressait d'une main.
"Il faudrait que je vous parle de quelque chose d'important."
Le "seule à seul" était sous entendu. Le capitaine comprit que cela valait mieux. Sur le tapis près d'eux, Raphaël empilait ses cubes. Son père regarda son épouse.
"Est-ce que tu peux nous laisser seuls? Emmène Raphaël aussi, s'il-te-plaît."

Chess attendit qu'ils soient seuls pour poser un regard inquiet sur la jeune femme. Celle ci tremblait.
"Je ne savais pas vers qui me tourner..."
Elle regarda autour d'elle, puis à nouveau son amant d'un soir.
"Je vous ai beaucoup cherché. Je me suis rendue compte il y a peu, que suite à notre nuit, celle où vous m'avez..."
Elle marqua une pause.
"Bref. Je... je suis enceinte."
Le capitaine serra les poings. Déjà que c'était une bavure, pourquoi en plus de ça concevoir un bâtard? Devant son silence, la pauvre jeune femme s'expliqua.
"Je travaille pour payer un traitement pour ma mère malade. Je suis la seule famille qu'il lui reste, et l'inverse est vrai aussi. Alors, quand vous avez proposé une belle petite somme, je me suis dit que... que ça m'aiderait, pour ma mère."
Cette fois, elle fondit en larmes.
"Qu'est-ce que je vais faire de cet enfant? Après cela, aucun homme ne voudra de moi... Et on a à peine de quoi vivre, comment entretenir un enfant? Comment vais-je gagner de l'argent d'ici quelques mois?"

Le coeur de Chess se glaça. Il laissa tout en plan pour courir derrière son épouse. Il savait que Séléna s'occuperait de Raphaël, pas de soucis à se faire pour lui. Il n'eut pas trop de mal à repérer et rattraper Aléa. Elle ne pouvait pas courir vite, et c'était très difficile pour elle, qui avait déjà de plus en plus de peine à marcher.
"Aléa! Attends."
Il la rattrapa et la retint en lui prenant la main.
"Je peux tout expliquer. Ce n'est pas ce que tu crois..."

"Lache moi !"
Elle lui lança un regard noir rempli de larmes.
"Je ne veux pas parler avec toi !"
Elle lui fit lacher sa main et reprit en marchant, alors que Chess la suivait.
"Va t'en ! Laisse moi tranquille !"

"Aléa, je t'en prie, calme-toi!"
Chess la rattrapa à nouveau, et la retint une fois de plus.
"Si tu ne le fais pas pour moi, fais-le pour le bébé."
Il posa sa main sur son ventre. Il était dur et tendu, à tel point qu'on ne sentait pas le bébé.
"Je t'en supplie, écoute-moi. Je vais t'expliquer. Je t'assures que tu te trompes..."

"Tu n'as pas besoin de te préocuper de MON bébé. Et je n'ai aucune envie de me calmer. Et ne me touche pas !"
Elle se sépara de lui.
"Va voir cette jeune fille. Elle attend TON enfant. C'est vrai qu'elle est plus jeune et très mignone. Tu te débarasse des débris !"
Elle le regarda froidement.
"Il n'y a rien à expliquer. Je ne veux pas que tu m'expliques !"
elle se posa les mains sur les tempes et serra ses cheveux avec vigueur. Avant de se retourner pour repartir à nouveau.

"Des débris? Plus jeune?"
Chess venait d'accueillir ces mots comme une gifle. Certes, il le méritait. Mais ce qu'elle venait de dire à propos de leur enfant le peinait plus que tout.
"Mais Aléa, c'est une gamine!"
*Je pourrais presque être son père, avec quelques années de plus.*
Il revint à sa hauteur, et lui barra la route.
"Tu n'es pas une débris! Je t'aime! Quant à sa beauté, elle n'arrive pas à la cheville de la tienne!"
La voyant se détourner, il s'interposa une fois de plus.
"Aléa, j'étais ivre! Je ne savais pas ce que je faisais!"

"Tu devrais boire plus souvent. Tu prendrais plus ton pied."
Elle baissa le regard, toujours en pleurant. Il remuait le couteau dans la plaie en la retenant ainsi.
"Va la voir et débrouille toi. Je ne veux pas que tu m'approches. C'est tout."
C'était dur pour aussi de dire ça. Elle ne le pensait pas vraiment. Elle se sentait si mal... Elle seposa une main sur le ventre.

"Non..."
Chess ne savait plus quoi dire.
"Il n'y a rien entre nous. Je lui trouverai un époux, je lui donnerai un peu d'argent, mais c'est toi seule que j'aime."
Il prit sa main dans la sienne et la pressa.
"Je ne désirais que toi lorsque l'alcool m'a fait tomber dans ses bras. Mais ta grossesse... avait mis un frein à nos étreintes."
Il chercha à croiser son regard. En vain.
"Je voulais te le dire! Il m'est déjà arrivé la même chose avec Zofia. Je le lui avais avoué, et elle m'avait pardonné. Seulement, tu as laissé entendre que ce serait trop pour toi, alors j'ai préféré me taire."
Il baissa les yeux sur son ventre, et avança la main pour le toucher.
"Essaie de comprendre... Je ne veux pas d'elle. J'ai besoin de toi pour vivre. Que deviendrait Raphaël? Et ce bébé? Nous l'avons conçu ensemble. C'est notre enfant. Tout comme notre petit garçon."

"Ne me touche pas Chess."
Elle se sépara à nouveau de lui.
"Tu n'auras qu'à t'occuper de Raphaël. Tu as de l'argent pour t'occuper de lui. Moi je n'ai rien."
Ellelui lança un regard suppliant, voulant être seule.
"Ne mets pas tout sur le dos de l'alcool. Tu as bien couché avec elle, tu avais les idées claires, au moins assez pour assouvrir tes pulsions."
Elle planta son regard dans le sien.
"Va t'occuper d'elle et laisse moi un peu seule s'il te plait."

"Aléa..."
Chess avait l'impression de devenir fou. Il ne voulait pas la laisser. Qu'allait-elle faire? Fuir? Les abandonner? Ou alors, est-ce qu'il lui arriverait malheur?
"Raphaël a besoin de toi. Il a besoin de sa maman. Tu ne veux pas le forcer à connaître ce qu'ont enduré Odin et Séléna?"
Il fit un pas vers elle, le regard suppliant.
"Ca ne change rien entre nous. C'est arrivé il y a un peu plus d'un mois, et tout ce temps, tout allait bien pour nous. Il n'y a aucune raison pour que cela change. Je t'aime toujours autant, si ce n'est plus. S'il-te-plaît..."
Il lui tendit la main, espérant qu'elle la prenne.

Aléa laissa seule la main de Chess.
"Tu preferes vivres dans le mensonge. Comment est ce que tu veux que j'arrive à avoir encore confiance en toi ?!"
Elle le regarda cette fois.
"J'ai besoin d'être un peu seule..."

Chess avait peur de ce qu'elle pouvait faire. Il laissa retomber sa main.
"Entendu..."
Il baissa la tête.
"Je vais résoudre son problème. Ne traîne pas trop, sois prudente."
Il eut un sourire triste.
"Rentre vite."

"on verra..."
Une unique réponse qui pouvait tout lui laisser penser. Une main sur son ventre tendu, Aléa tourna les talons et s'en fut, tête basse et toujours en pleurant.
*Il n'a pas mentit à Zofia, mais moi si...*
elle marcha un long moment dans le village. Elle avait envi de tout laisser tomber. De ne plus avoir son bébé, de quitter Chess. Le quitter ? Oui, elle en avait actuellement l'envie. Elle ne le croyait plus. Plus du tout. Elle était triste et son ventre ne se détendait plus.

De retour chez lui, Chess entreprit de s'occuper de la jeune femme éperdue. Il lui promit de lui trouver un époux, et de lui verser une compensation. Seulement, il devait encore être sûr que celui à qui il pensait, un de ses hommes, accepterait ce mariage.
"Dites moi où je peux vous trouver, et rentrez chez vous. Je vous ferais parvenir la nouvelle rapidement."
Elle lui indiqua l'endroit, puis elle s'en fut, laissant le soldat seul avec son inquiétude.
*Pourquoi a-t-il fallu que je couche avec elle? Pourquoi a-t-il fallu qu'Aléa entende?*
Il s'assit sur le canapé et se prit la tête entre les mains. Séléna jouait avec Raphaël et Truffe. Odin était chez son tuteur. Et Aléa... Parandar seul savait où...

Dans la chambre, Chess ne dormait pas. Il était assis sur le lit. Quand son épouse entra, il se releva d'un bond.
"Enfin! Je m'inquiétais..."
Il voulait la serrer dans ses bras, lui demander pardon à genoux. Il n'osa pas s'approcher.
"Qu'est-ce que... tu as décidé?"
Il voulait de tout coeur qu'ils oublient cet incident. Ils avaient une belle famille heureuse, et une terre prospère. Ce serait un tel gâchis...

"Je ne suis pas encore sûr."
Aléa se changea pour la nuit et se glissa sous les draps, loin de Chess.
"Si je suis revenue pour le moment, c'est parce que je suis fatiguée et que je ne vais pas dormir dehors alors que je suis enceinte."
Elle laissa un court silence puis reprit.
"Ce n'est surment pas pour te voir."

Chess déglutit avec peine et acquiesça. Il se glissa à son tour dans les draps, sans chercher à la toucher.
"Bonne nuit..."
Il contempla son dos un moment. Son coeur se serra. Il voulait savoir si le bébé allait bien. Mais il ne pouvait même pas toucher son ventre pour sentir leur enfant. Les autres s'étaient inquiétés, sauf Odin, naturellement. Raphaël avait même pleuré en appelant sa mère. Aussi, son père avait pris une décision. Si elle le quittait, il lui donnerait de l'argent, et lui demanderait d'emmener leur fils. Il avait plus besoin d'elle que de lui.

Aléa se reveilla après Chess. Elle n'avait pas faim, et ne savait même plus se qu'elle voulait vraiment. Partagée entre son amour pour les enfants et sa haine présente pour Chess. Lorsqu'elle descendit, elle fut presque instantanement prise d'une envie de pleurer. Cependant, elle descendit, au moins pour voir les enfants. Séléna dormait encore, comme à son habitude. Raphaêl était assis à table, face à son père. Elle adressa un sourire au petit.
"Bonjour mon coeur."
Elle lui posa un baiser dans les cheveux alors que le garçon voulait qu'elle le prenne dans ses bras. Elle s'assit à table sans même regarder Chess. Là, elle prit Raphaël avec elle et l'assit sur ses genoux malgré son gros ventre. D'une manière très habile, elle ne croisa jamais le regard de Chess.